Přehled

Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.5.1994
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí



SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête No 19219/91

présentée par Pietro MARTINI

et Gianfranco SIMIONI

contre la Suisse

La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre),

siégeant en chambre du conseil le 11 mai 1994 en présence de

MM. H. DANELIUS, Président en exercice

S. TRECHSEL

G. JÖRUNDSSON

J.-C. SOYER

H.G. SCHERMERS

F. MARTINEZ

L. LOUCAIDES

J.-C. GEUS

M.A. NOWICKI

I. CABRAL BARRETO

J. MUCHA

D. SVÁBY

M. K. ROGGE, Secrétaire de la Chambre ;

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme

et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 6 novembre 1991 par Pietro MARTINI et

Gianfranco SIMIONI contre la Suisse et enregistrée le 18 décembre 1991

sous le No de dossier 19219/91 ;

Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

Après avoir délibéré,

Rend la décision suivante :

EN FAIT

Les requérants, de nationalité italienne, nés respectivement en 1952

et 1957, sont actuellement détenus à l'établissement pénitentiaire de

Bochuz (canton de Vaud).

Dans la procédure devant la Commission ils sont représentés par

Maître Raffaele Bacchetta, avocat à Cantù (province de Como, Italie).

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par les

requérants, peuvent se résumer comme suit :

Arrêtés le 1er octobre 1985 dans le canton du Tessin, les requérants

furent condamnés le 20 mars 1986 par un tribunal tessinois à des peines

d'emprisonnement entre deux ans et deux ans et demi et à l'expulsion du

territoire suisse pour une durée de 15 ans notamment pour infractions à

la législation sur les armes. Ils furent mis en liberté conditionnelle

en avril et juin 1987.

Le 15 décembre 1988 et les 10 et 17 janvier 1989, deux

établissements bancaires valaisans, un bureau de change à Brig et une

caisse d'épargne à Turtmann, firent l'objet d'un hold-up.

Le 30 janvier 1989, les requérants furent arrêtés par les autorités

suisses à la frontière italo-suisse de Pizzamiglio/Vacallo. Les

requérants étaient en possession de fausses pièces d'identité.

Le 16 février 1989, le juge d'instruction du canton du Valais

délivra un mandat de dépôt contre les requérants et ouvrit une

instruction préparatoire pour brigandage contre eux.

Par la suite, les requérants furent transférés à Brig.

Le 20 février 1989, le juge d'instruction informa les requérants

avec le concours d'un interprète des accusations portées contre eux et

les interrogea au sujet de leurs intentions concernant leur défense. Les

requérants contestèrent catégoriquement les faits qui leur étaient

reprochés et firent savoir au juge d'instruction qu'ils avaient confié

leur défense à une avocate tessinoise et que celle-ci avait connaissance

de leur transfèrement à Brig.

Le même jour, le juge d'instruction ordonna le maintien en détention

provisoire des requérants aux motif qu'il y avait danger de fuite et de

collusion.

Les requérants recoururent sans succès contre cette décision.

Le 24 février 1989, une confrontation entre les requérants et les

témoins eut lieu devant le juge d'instruction en présence d'un

représentant du ministère public. Les requérants n'étaient pas assistés

d'un défenseur lors de cette confrontation.

Par une lettre du même jour, le juge d'instruction informa l'avocate

des requérants de l'enquête préliminaire en cours et recommanda la

désignation d'un avocat valaisan en vue d'assurer leur défense.

Le 21 mars 1989, un avocat valaisan, Me S., se chargea de la défense

des requérants.

Le 28 juillet 1989, le conseil des requérants demanda un complément

de preuves.

Le 20 septembre 1989, le juge d'instruction ordonna la clôture

de l'instruction et fixa un délai de 60 jours pour le complément

d'enquête sollicité.

Dans le cadre de ce complément d'enquête, les témoins nommés par la

défense furent confrontés aux requérants le 1er février 1990.

Le 7 février 1990, le juge d'instruction renvoya les requérants en

jugement devant le tribunal de district du canton du Valais (Kreisgericht

II Oberwallis) à Brig.

Le 8 février 1990, le juge d'instruction accorda l'assistance

judiciaire gratuite aux requérants et nomma Me S. comme défenseur

d'office des requérants.

Par jugement du 29 mai 1990, le tribunal de district reconnut les

requérants coupables notamment de brigandage, rupture de ban, faux dans

les certificats et violation de domicile, leur infligea cinq ans,

respectivement cinq ans et demi, de réclusion et les condamna à

l'expulsion à vie du territoire suisse.

En répondant aux exceptions préliminaires soulevées par la défense

sous l'angle de l'article 6 par. 3 de la Convention, le tribunal de

district rappela qu'en raison du principe de la séparation des pouvoirs,

il n'était pas compétent pour examiner les dispositions du code de

procédure pénale établies par le pouvoir législatif. La procédure s'était

déroulée en conformité avec les règles de procédure pénale en vigueur.

Aucun élément de preuve ne permettait de conclure à l'existence des vices

de procédure allégués. Toutes les offres de preuves avaient été acceptées

et durant tous les interrogatoires un interprète avait été présent. Dans

aucune phase de la procédure les prévenus n'avaient été obligés de faire

des dépositions. Ils avaient fait amplement usage de leur droit de ne pas

faire de déclarations. En leur désignant un avocat d'office, les droits

de la défense avaient été respectés. En outre, un délai adéquat avait été

fixé pour effectuer le complément d'enquête demandé par la défense.

Le 30 juillet 1990, les requérants introduisirent un recours

(Berufung) contre ce jugement. En invoquant l'article 6 par. 3 de la

Convention, ils firent valoir que, pendant la procédure d'instruction,

ils n'avaient pas été informés de leur droits de défense et n'avaient pas

été assistés d'un avocat dès l'ouverture de l'instruction. La

confrontation avec les témoins en date du 24 février 1989 avait eu lieu

en l'absence de leur avocat, mais en présence du ministère public. En

outre, le tribunal de district aurait apprécié les preuves d'une manière

erronée et aurait méconnu le principe "in dubio pro reo" en fondant leur

condamnation sur les déclarations contradictoires des témoins.

Le 17 juillet 1990, le ministère public forma également un recours

en estimant que, compte tenu de la gravité des faits, les peines

infligées aux requérants étaient trop légères.

Par arrêt rendu le 21 novembre 1990, le tribunal cantonal du canton

du Valais rejeta l'appel des requérants et admit partiellement celui du

ministère public en portant les peines à six ans, respectivement à six

ans et demi.

Le tribunal cantonal nota que la confrontation des témoins avec les

requérants s'était déroulée en présence du ministère public, alors que

les requérants n'avaient pas été assistés d'un défenseur. Toutefois la

présence du ministère public était conforme au code de procédure pénale.

Bien qu'étant partie au procès pénal, le ministère public avait pour

mission générale de veiller d'une manière impartiale à l'application de

la loi.

Se référant à la jurisprudence du Tribunal fédéral, le tribunal

cantonal considéra que les principes de l'égalité des armes ne conférait

pas le droit à l'accusé de participer à l'administration de toutes les

preuves. Il suffisait que l'accusé avait l'occasion de s'expliquer sur

les points essentiels et de poser des questions complémentaires aux

témoins, au plus tard, à l'audience de jugement. Le tribunal cantonal

constata que le juge d'instruction avait procédé, à la demande de la

défense, à un complément d'enquête et toutes les offres de preuves

proposées par la défense avaient été acceptées. En particulier, le

1er février 1990, les témoins nommés par la défense avaient été

interrogés. Un témoin avait été confronté aux requérants pour la première

fois, un autre pour la deuxième fois.

Sur le fond, le tribunal cantonal reprit les motifs du jugement de

première instance.

Le 14 avril 1991, les requérants attaquèrent l'arrêt du tribunal

cantonal valaisan devant le Tribunal fédéral, au moyen de deux recours

de droit public identiques. Ils soutenaient en substance qu'ils n'avaient

pas été informés de leur droits consacrés par l'article 6 par. 3 b) et

c) de la Convention et n'avaient pas été assistés d'un avocat dès le

début de l'instruction. Ils n'avaient pu recourir à l'assistance d'un

avocat qu'après la clôture de l'enquête secrète de sorte que ce dernier

n'avait pu exercer son influence lors des interrogatoires des témoins

ainsi que lors de la confrontation à laquelle le ministère public avait

assisté.

Le 13 mai 1991, le Tribunal fédéral rejeta les recours de droit

public.

Selon le Tribunal fédéral, on ne saurait déduire de la Convention

un droit d'être assisté d'un avocat lors d'un premier interrogatoire au

stade de l'instruction. Il n'était pas établi et les requérants n'avaient

pas démontré dans quelle mesure la non-participation d'un défenseur à ce

stade de la procédure aurait méconnu leur droit à un procès équitable.

Quant à la question de savoir si la confrontation des témoins avec

les requérants en l'absence d'un avocat, mais en présence du représentant

du ministère public, était conforme à la Convention, le Tribunal fédéral

releva qu'il était dans l'intérêt des prévenus, qui étaient placés en

détention provisoire, de procéder aussitôt que possible à la

confrontation. Il était vrai, d'autre part, que, lors de cette

confrontation, les prévenus n'avaient pu exercer leurs droits de défense

d'une manière aussi efficace que s'ils y avaient été assistés d'emblée

de leur défenseur. Toutefois, le Tribunal fédéral ne jugea pas nécessaire

d'approfondir la question de savoir si, lors de cette confrontation, le

droit des requérants à un procès équitable, tel que garanti par

l'article 6 de la Convention, avait été méconnu : en faisant droit à leur

demande de procéder, dans le cadre d'un complément d'enquête, à une autre

confrontation avec les témoins nommés par la défense, le tribunal

cantonal avait respecté les droits de la défense. Les requérants

n'avaient pas fait valoir qu'en raison de la désignation tardive d'un

défenseur, ils n'avaient pas disposé du temps nécessaire à la préparation

de l'audience de jugement. Toujours selon le Tribunal fédéral, il n'y

avait eu, dès lors, ni violation de la Constitution fédérale ni de la

Convention.

Quant à l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral observa que

le tribunal cantonal n'avait pas attribué un poids décisif aux

déclarations faites par les témoins lors de la confrontation avec les

requérants. La constatation de la culpabilité des requérants s'appuyait

sur un ensemble d'éléments de preuve et même sans la confrontation le

tribunal cantonal serait arrivé à la même conclusion. Si les déclarations

des témoins ne convergeaient pas sur tous les points, il n'en demeurait

pas moins que ces déclarations combinées avec d'autres éléments de preuve

permettaient, sans arbitraire, de considérer les requérants comme auteurs

des trois vols à main armée en cause.

GRIEFS

Les requérants se plaignent que le juge d'instruction a omis de les

informer de leurs droits de défense, que, lors de leur premier

interrogatoire devant le juge d'instruction et lors de la confrontation

avec les témoins, ils n'ont pas été assistés d'un défenseur, alors qu'un

représentant du ministère public a été présent lors de cette

confrontation. Ils allèguent la violation de l'article 6 par. 3 a), b),

et c) de la Convention.

EN DROIT

Les requérants se plaignent que le juge d'instruction du canton du

Valais ne les avait pas informés de leur droits de défense, qu'ils

n'avaient pas été assistés d'un avocat dès le début de l'instruction et

que, par la suite, un représentant du ministère public a participé à une

confrontation avec les témoins devant le juge d'instruction, alors qu'ils

n'ont pas bénéficié de l'assistance d'un défenseur.

La Commission examinera ce grief sous l'angle de l'article 6 par.

1 et 3 c) (art. 6-1, 6-3-c) de la Convention, aux termes duquel :

"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

équitablement, (...) par un tribunal (...) impartial (...) qui

décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale

dirigée contre elle . (...)

(...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

...

c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de

son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur,

pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque

les intérêts de la justice l'exigent ;

(...)."

La Commission rappelle que le champ d'application des dispositions

de l'article 6 (art. 6) n'est pas nécessairement limité au procès lui-

même et que l'article 6 (art. 6) peut s'appliquer à des phases

antérieures à la procédure de jugement. En effet, les exigences de

l'article 6, et notamment de son paragraphe 3 (art. 6-3), peuvent jouer

un rôle avant la saisine du juge du fond si et dans la mesure où leur

inobservation initiale risque de compromettre gravement le caractère

équitable du procès (voir Cour eur. D.H., arrêt Quaranta du 24 mai 1991,

série A n° 205, pp. 16-18, par. 28 et 36 et, en dernier lieu, arrêt

Imbrioscia du 24 novembre 1993, à paraître dans série A n° 275, par. 36).

Le droit énoncé au paragraphe 3 c) de l'article 6 (art. 6-3-c)

constitue un élément, parmi d'autres, de la notion de procès équitable

en matière pénale, contenue au paragraphe 1 (voir, mutatis mutandis, Cour

eur. D.H., arrêt Quaranta précité, p. 16, par. 27).

S'il reconnaît à tout accusé le droit de "se défendre lui-même ou

avoir l'assistance d'un défenseur (...)", l'article 6 par. 3 c)

(art. 6-3-c) n'en précise pas les conditions d'exercice. Il laisse ainsi

aux Etats contractants le choix des moyens propres à permettre à leur

système judiciaire de le garantir ; la tâche des organes de la Convention

consiste à rechercher si la voie qu'ils ont empruntée cadre avec les

exigences d'un procès équitable (voir Cour eur. D.H., arrêt Quaranta

précité, p. 16, par. 30). La Commission rappelle, dans ce contexte, que

les modalités de l'application de l'article 6 par. 1 et 3 c)

(art. 6-1, 6-3-c) de la Convention durant l'instruction dépendent des

particularités de la procédure et des circonstances de la cause ; pour

savoir si le résultat voulu par l'article 6 (art. 6) - un procès

équitable - a été atteint, il y a lieu de prendre en compte l'ensemble

des procédures internes dans l'affaire considérée (voir, mutatis

mutandis, Cour eur. D.H., arrêt Granger du 28 mars 1990, série A n° 174,

p. 17, par. 44).

La Commission note qu'en l'espèce, le juge d'instruction du canton

du Valais s'informa auprès des requérants de leurs intentions concernant

leur défense lors de leur premier interrogatoire en date du

20 février 1989. Les requérants lui firent savoir qu'ils étaient

représentés par une avocate du canton du Tessin et que celle-ci avait eu

connaissance de leur transfèrement à Brig. Il ne ressort pas du dossier

si l'avocate avait demandé à assister à l'interrogatoire des requérants.

Quatre jours plus tard, à savoir le 24 février 1989, une confrontation

avec les témoins eut lieu en présence d'un représentant du ministère

public et en l'absence d'un défenseur des requérants.

La Commission estime qu'au début de l'instruction les requérants ne

bénéficièrent pas de l'appui juridique nécessaire, mais "on ne saurait

(...) imputer à un Etat la responsabilité de toute défaillance d'un

avocat d'office" (Cour eur. D.H., arrêt Kamasinski du 19 décembre 1989,

série A n° 168, p. 33, par. 65) ou choisi par l'accusé. En raison de

l'indépendance du barreau, la conduite de la défense relève pour

l'essentiel de l'intéressé et de son représentant ; l'article 6 par. 3

c) (art. 6-3-c) n'oblige les Etats contractants à s'en mêler qu'en cas

de carence manifeste ou suffisamment signalée à leur attention (ibidem).

Or, les requérants ne se plaignaient pas de l'inactivité de leur

avocate et le juge d'instruction informa cette dernière de l'instruction

en cours par lettre du 24 février 1989 et recommanda la désignation d'un

avocat valaisan. A partir du 21 mars 1989, Me S. assura la défense des

requérants. Comme le Tribunal fédéral l'a relevé, il était dans l'intérêt

des prévenus, qui étaient placés en détention provisoire, de procéder

aussitôt que possible à la confrontation avec les témoins. S'il est vrai

que les requérants n'ont pu exercer leur droits de défense de la même

manière que s'ils avaient été assistés d'un défenseur dès le début de

l'instruction, il n'en demeure pas moins que le juge d'instruction a

procédé, à la demande des requérants, à un complément d'enquête dans le

cadre duquel une confrontation des témoins nommés par la défense a eu

lieu. De surcroît, il ressort des décisions judiciaires en cause que le

juge d'instruction a fait droit à toutes les offres de preuves présentées

par la défense.

La Commission note en outre que les débats devant le tribunal de

district du Valais, ensuite devant le tribunal cantonal du canton du

Valais, s'entouraient de garanties suffisantes : les 29 mai 1990 et

21 novembre 1990, les juges entendirent les requérants en présence de

leur avocat, qui eut tout loisir de les interroger, tout comme de

combattre en plaidoirie les conclusions du parquet.

Enfin, la Commission observe que les déclarations faites par les

témoins lors de la confrontation litigieuse avaient moins de poids que

les requérants leur attribuaient et que la conviction des juges de la

culpabilité des requérants se fondait pour l'essentiel sur un ensemble

d'autres éléments de preuve que les tribunaux internes ont estimé

déterminants.

Il s'ensuit que la requête est manifestement mal fondée et doit être

rejetée en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

Par ces motifs, la Commission, à la majorité,

DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

Le Secrétaire de la Le Président en exercice

Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre

(K. ROGGE) (H. DANELIUS)