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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
11.5.1994
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí



SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête No 20466/92

présentée par Francisco de Araújo Simões

contre le Portugal

La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième

Chambre), siégeant en chambre du conseil le 11 mai 1994 en présence de

MM. S. TRECHSEL, Président

H. DANELIUS

G. JÖRUNDSSON

J.-C. SOYER

H.G. SCHERMERS

L. LOUCAIDES

J.-C. GEUS

M.A. NOWICKI

I. CABRAL BARRETO

J. MUCHA

D. SVÁBY

M. K. ROGGE, Secrétaire de la Deuxième Chambre ;

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 7 juillet 1992 par Francisco de

Araújo Simões contre le Portugal et enregistrée le 11 août 1992 sous

le No de dossier 20466/92 ;

Vu la décision de la Commission du 31 mars 1993 de porter la

requête à la connaissance du Gouvernement défendeur quant au grief tiré

de la durée de la procédure engagée ;

Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le

7 juin 1993 et les observations en réponse présentées par le requérant

le 27 juillet 1993 ;

Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

Après avoir délibéré,

Rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant est un ressortissant portugais né en 1937 et

résidant à Porto.

Il est représenté devant la Commission par Mes Joaquim Loureiro

et Margarida Malvar, avocats à Vila Nova de Famalicão.

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les

parties, peuvent se résumer comme suit.

Le 7 novembre 1977, le requérant et son épouse introduisirent

devant le tribunal de Caminha (Tribunal Judicial de Caminha) une action

en réparation à l'encontre du propriétaire et du conducteur du véhicule

impliqué dans l'accident de la circulation qui s'était produit le 16

novembre 1974. Ils assignèrent également la compagnie d'assurance du

propriétaire du véhicule en cause en réparation du préjudice subi.

Par jugement du 6 novembre 1986, suivant audiences des 21 et 23

juin 1986, le tribunal retint pour moitié la responsabilité du

requérant et condamna les défendeurs à verser solidairement au

requérant, la somme de 982.018,50 escudos.

Les parties firent appel les 19 et 23 novembre 1986 devant la

cour d'appel de Porto (Tribunal da Relação do Porto).

Par arrêt rendu en date du 28 juin 1988, la cour d'appel déclara

les défendeurs entièrement responsables de l'accident et les condamna

à verser au requérant les sommes de 300.000 escudos au titre de

dommages patrimoniaux et 400.000 escudos au titre de dommages moraux.

Les défendeurs et le requérant se pourvurent en cassation les 11

et 13 juin 1988 devant la Cour Suprême (Supremo Tribunal de Justiça).

Dans son mémoire en cassation, le requérant reprochait à la cour

d'appel de n'avoir pas pris en considération l'indice du pouvoir

d'achat au jour de la décision.

Par arrêt rendu en date du 15 janvier 1992, la Cour Suprême

infirma partiellement l'arrêt entrepris en ce qu'il avait accordé au

requérant une indemnisation au titre des dommages patrimoniaux alors

que selon la Cour, l'incapacité de travail du requérant n'avait

entraîné aucune diminution de salaire. Elle condamna les défendeurs

à verser solidairement au requérant la somme de 400.000 escudos au

titre des préjudices moraux. Elle confirma par ailleurs le fait que

l'indemnisation devait être calculée sur la base de l'indice du pouvoir

d'achat existant au jour de la clôture de la phase de discussion.

GRIEFS

1. Invoquant l'article 6 par. 1 de la Convention, le requérant se

plaint de n'avoir pas été entendu dans un "délai raisonnable". A cet

égard, il rappelle que la procédure litigieuse a été engagée devant le

tribunal de Caminha le 7 novembre 1977 et qu'elle s'est achevée

quatorze ans et deux mois après, soit le 15 janvier 1992 par un arrêt

rendu par la Cour Suprême.

2. Par ailleurs, le requérant reproche à la cour d'appel ainsi qu'à

la Cour Suprême de ne pas avoir pris en compte l'indice du pouvoir

d'achat à la date où elles ont respectivement statué, pour fixer le

montant du préjudice subi et considère l'indemnisation ainsi évaluée

contraire au principe d'équité garanti par l'article 6 par. 1 de la

Convention.

3. En outre, le requérant se plaint d'une violation du droit au

respect de ses biens par la Cour Suprême dans la mesure où elle a

refusé de l'indemniser pour les préjudices patrimoniaux subis à la

suite de son incapacité de travail. Il allègue à cet égard la

violation de l'article 1 du Protocole additionnel et sans autres

précisions la violation de l'article 2 de la Convention.

PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION

La requête a été introduite le 7 juillet 1992 et enregistrée le

11 août 1992.

Le 31 mars 1993, la Commission a décidé de porter la requête à

la connaissance du Gouvernement défendeur, en l'invitant à présenter

par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien fondé du

grief portant sur la durée de la procédure.

Le Gouvernement a présenté ses observations le 7 juin 1993 et

le requérant y a répondu le 27 juillet 1993.

EN DROIT

1. Le premier grief du requérant porte sur la durée de la procédure

litigieuse. Cette procédure a débuté le 7 novembre 1977 et s'est

terminée le 15 janvier 1992 par l'arrêt rendu par la Cour Suprême.

La période à considérer n'a toutefois pas commencé dès cette

date, mais avec l'entrée en vigueur de la Convention à l'égard du

Portugal, le 9 novembre 1978 (Cour eur. D.H., arrêt Moreira de Azevedo

du 23 octobre 1990, série A n° 189, p. 17, par. 70). Pour vérifier le

caractère raisonnable du laps de temps écoulé à partir de cette date,

il faut cependant tenir compte de l'état où l'affaire se trouvait alors

(arrêt précité, loc.cit.).

Selon le requérant, la durée de la procédure, qui est de treize

et deux mois, ne répond pas à l'exigence du "délai raisonnable"

(article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention). Le Gouvernement

s'oppose à cette thèse.

La Commission estime qu'à la lumière des critères dégagés par la

jurisprudence des organes de la Convention en matière de "délai

raisonnable" (complexité de l'affaire, comportement des parties et des

autorités compétentes), et compte tenu de l'ensemble des éléments en

sa possession, ce grief doit faire l'objet d'un examen sur le fond.

Dès lors, il ne saurait être déclaré manifestement mal fondé.

Aucun autre chef d'irrecevabilité n'a été relevé.

2. Le requérant considère que l'indemnisation allouée par les

tribunaux a été injustement calculée. Il fait valoir que la

détermination de l'indemnisation doit prendre en compte l'indice du

pouvoir d'achat depuis la date de l'accident jusqu'à la date de la

décision et que toute indemnisation qui ne respecterait pas cette règle

est inéquitable. Il allègue la violation de l'article 6 par. 1

(art. 6-1) de la Convention.

La Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément

à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des

engagements résultant de la Convention pour les Parties Contractantes.

En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête

relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par

une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui

semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et

libertés garantis par la Convention. La Commission se réfère sur ce

point à sa jurisprudence constante (cf. par exemple No 458/59,

déc. 29.3.60, Annuaire 3 pp. 223, 237 ; No 5258/71, déc. 8.2.73,

Recueil 43 pp. 71, 77 ; No 7987/77, déc. 13.12.79, D.R. 18 pp. 31, 61).

Pour la Commission, la question de savoir si les tribunaux

devaient, pour fixer l'indemnisation au requérant, prendre en compte

l'indice du pouvoir d'achat à la date où ils ont statué, constitue une

question d'appréciation qui relève au premier chef de la compétence des

tribunaux internes et la Commission ne saurait substituer sa propre

appréciation à celle qui a été retenue par ces derniers. A cet égard,

il suffit à la Commission de constater en l'occurrence que ceux-ci ont

amplement motivé la décision qu'ils ont rendue et que rien dans le

dossier ne permet de soutenir que l'appréciation à laquelle ils se sont

livrés aurait omis de tenir compte d'éléments importants pour la

solution de l'affaire ou comporterait des conclusions manifestement

erronées de sorte qu'elle serait entachée d'arbitraire et porterait

par la même atteinte à l'équité de la procédure.

Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit donc

être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

3. Le requérant estime que le refus de la Cour Suprême de justice

d'indemniser les dommages patrimoniaux qu'il a subis du fait de son

incapacité de travail constitue une violation du droit au respect de

ses biens garanti par l'article 1 du Protocole additionnel (P1-1). Il

allègue également, sans explications supplémentaires, la violation de

l'article 2 (art. 2) de la Convention.

Concernant la violation alléguée par le requérant de l'article 1

du Protocole additionnel (P1-1), la Commission rappelle que

conformément à sa jurisprudence traditionnelle, une créance peut

constituer un bien au sens de l'article précité (N° 7742/76, déc.

4.7.78, D.R. 14 pp. 146,156).

Toutefois, dans le cas d'espèce, la Commission estime que

l'action diligentée par le requérant devant les tribunaux internes ne

faisait naître, dans son chef, aucun droit de créance pouvant

constituer un bien au sens de l'article 1 du Protocole additionnel

(P1-1), mais uniquement l'éventualité d'obtenir pareille créance.

Partant, l'arrêt rendu par la Cour Suprême le 15 janvier 1992 n'a pu

avoir pour effet de priver le requérant d'un bien dont il n'était pas

propriétaire (voir mutatis mutandis N° 12164/86, déc. 12.10.78, D.R.

58 p. 63; N° 18158/91, déc. 31.3.93, non publiée).

Par conséquent ce grief est manifestement mal fondé et doit être

rejeté en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la

Convention.

S'agissant du grief tiré de la violation de l'article 2 (art. 2)

de la Convention, la Commission estime que les pièces versées au

dossier ne font apparaître aucune apparence de violation de la

disposition précitée.

Il s'ensuit que cette partie de la requête est également

manifestement mal fondée et doit être rejetée conformément à l'article

27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.

Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

DECLARE LA REQUETE RECEVABLE quant au grief tiré par le requérant

de la durée de la procédure litigieuse, tous moyens de fond

réservés.

DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.

Le Secrétaire de la Le Président de la

Deuxième Chambre Deuxième Chambre

(K. ROGGE) (S. TRECHSEL)