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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
22.1.1996
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí



SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête N° 22420/93

présentée par Massimo CARLOTTO

contre l'Italie

La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en

chambre du conseil le 22 janvier 1996 en présence de

MM. S. TRECHSEL, Président

H. DANELIUS

C.L. ROZAKIS

E. BUSUTTIL

G. JÖRUNDSSON

A.S. GÖZÜBÜYÜK

A. WEITZEL

J.-C. SOYER

H.G. SCHERMERS

Mme G.H. THUNE

M. F. MARTINEZ

MM. L. LOUCAIDES

J.-C. GEUS

M.P. PELLONPÄÄ

B. MARXER

M.A. NOWICKI

I. CABRAL BARRETO

B. CONFORTI

N. BRATZA

I. BÉKÉS

J. MUCHA

E. KONSTANTINOV

D. SVÁBY

G. RESS

A. PERENIC

C. BÎRSAN

P. LORENZEN

K. HERNDL

M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de

l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 15 mai 1993 par Massimo CARLOTTO

contre l'Italie et enregistrée le 5 août 1993 sous le N° de

dossier 22420/93 ;

Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la

Commission ;

Après avoir délibéré,

Rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant est un ressortissant italien, né en 1956 et résidant

à Padoue.

Devant la Commission, le requérant est représenté par

Me Alborghetti, avocat au barreau de Padoue.

Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par le

requérant, peuvent se résumer comme suit.

1. Procédure pénale initiale

Le 20 janvier 1976, le requérant se rendit à un commissariat de

police où il déclara qu'en se promenant dans une rue de Padoue, il

avait entendu des cris provenant de l'immeuble où sa soeur habitait ;

la porte étant ouverte, il était entré dans l'appartement et y avait

trouvé une jeune fille nue qui venait d'être poignardée ; elle était

encore vivante et, ayant reconnu le requérant, elle avait prononcé son

nom et lui avait dit que sa mère arriverait dans la soirée ; puis, elle

avait perdu connaissance. Il s'était approché d'elle, l'avait touchée

et avait remarqué que sur son corps il y avait six ou sept marques de

couteau. Pris de panique, il s'était enfui. Quelques heures plus tard,

il avait décidé de faire sa déposition.

Le jour même, le requérant ayant été trouvé avec des traces de

sang sur son manteau, la police plaça celui-ci en garde à vue ; le

lendemain, le parquet de Padoue décerna un mandat d'arrêt pour homicide

volontaire.

Suite à une expertise médico-légale ordonnée au cours de

l'instruction, d'après laquelle la version des faits fournie par le

requérant n'était pas crédible (voir ci-après), ce dernier modifia la

version des faits, en disant qu'il avait bien entendu des cris mais

lorsqu'il était arrivé sur les lieux du crime, la jeune fille était

décédée.

Par la suite, il reprit la version des faits initiale et expliqua

qu'il l'avait modifiée parce que les résultats de l'expertise

semblaient l'inculper.

Le 19 octobre 1976, le requérant fut renvoyé en jugement devant

la cour d'assises de Padoue.

Le 20 janvier 1977, la première audience des débats eut lieu.

Le 24 février 1977, la cour d'assises de Padoue ordonna un

complément d'enquête, comprenant une expertise médico-légale de la

victime et une expertise psychiatrique du requérant.

En août 1977, le requérant fut transféré à la prison spéciale de

Cuneo.

A l'issue du complément d'enquête, la cour d'assises de Padoue

examina de manière approfondie tous les éléments réunis au cours de

l'instruction et des débats. Elle confronta les résultats de deux

expertises, la première ordonnée dans la phase de l'instruction, la

deuxième ordonnée lors des débats. Les résultats des expertises étaient

concordants en ce que :

- la victime présentait soixante et un coups de couteau (alors que

le requérant avait fait état de six ou sept uniquement) ;

- les traces de sang retrouvées sur le manteau du requérant

appartenaient à la victime ;

- le gant droit du requérant présentait des incisions et des taches

(peut-être de sang) se trouvaient sur la doublure ;

- sur un carton de lessive se trouvant dans la buanderie, à

proximité de la victime, il y avait des taches de sang,

n'appartenant ni à la victime ni au requérant.

Selon la première expertise, la victime était décédée après une

série de coups de couteau (soixante et un) rapides et continus, dont

un déterminant, et il était impossible que la victime ait pu parler au

requérant. En ce qui concerne le gant, il était clair que les incisions

s'étaient produites pendant l'utilisation d'un couteau similaire à

l'arme du délit et que la substance non déterminée avait pénétré à

l'intérieur du gant.

Selon la deuxième expertise, la victime était décédée à cause du

choc hémorragique et non pas à la suite d'un coup de couteau

déterminant. Il était possible que la série de coups eût été

interrompue et que la victime ait pu parler au requérant. Quant aux

incisions relevées sur le gant, celles-ci n'étaient pas produites par

un couteau ressemblant à l'arme du délit, car la doublure n'était pas

déchirée, bien que le couteau fût très coupant.

La cour d'assises marqua son accord avec les conclusions de la

deuxième expertise et considéra comme établi que le requérant avait

trouvé la jeune fille vivante : il n'aurait pu savoir d'aucune autre

manière, si ce n'est de la victime, que la mère de celle-ci arriverait

dans la soirée. Quant à la culpabilité du requérant, la cour estima

qu'il n'y avait aucune preuve, mais seulement des indices, dont la

force n'était pas probante.

Il y avait également plusieurs éléments en faveur du requérant,

notamment le fait qu'il ait rendu son témoignage de sa propre

initiative, sans même changer ses vêtements, et la présence de traces

de sang qui n'appartenaient ni à la victime ni au requérant, relevées

sur le carton. Ce dernier élément permettait d'envisager l'hypothèse

qu'un tiers, le présumé assassin, ayant entendu le requérant monter les

escaliers, s'était dissimulé quelque part, en l'occurrence dans la

buanderie à proximité de la victime où l'on avait retrouvé le carton

ensanglanté, et avait attendu le départ du requérant pour achever

l'action délictueuse.

Par jugement du 5 mai 1978, la cour d'assises de Padoue acquitta

le requérant pour insuffisance de preuves et ordonna sa libération

immédiate.

Le procureur public interjeta appel du jugement de la cour

d'assises de Padoue. De son côté, le requérant, dans la perspective

d'être acquitté par une formule plus favorable, interjeta également

appel de ce jugement.

Par arrêt du 19 décembre 1979, la cour d'assises d'appel de

Venise condamna le requérant à dix-huit ans d'emprisonnement. La cour

fonda son raisonnement sur les conclusions de la première expertise,

ordonnée lors de l'instruction. Elle estima que la version des faits

fournie par le requérant n'était pas crédible, qu'il avait bien trouvé

la jeune fille vivante et appris par elle l'arrivée imminente de sa

mère et qu'il l'avait agressée par la suite. La cour estima qu'il y

avait d'importants indices à la charge du requérant et aucun élément

en sa faveur. Quant au mobile, la cour estima qu'il s'agissait d'une

agression sexuelle. Enfin, quant à l'hypothèse d'un tiers coupable

s'étant dissimulé dans la buanderie près du carton ensanglanté, la cour

estima que si l'assassin s'était effectivement dissimulé en ce lieu,

il y aurait eu d'autres traces, mis à part celles retrouvées sur le

carton, ce qui n'était pas le cas.

Par la suite, le requérant se pourvut en cassation. Il faisait

valoir que la motivation de l'arrêt de la cour d'appel était

insuffisante et illogique, notamment sur les points suivants : les

poils et cheveux retrouvés sous les ongles de la victime n'avaient pas

été examinés ; les traces de sang appartenant à un tiers n'avaient pas

été prises en compte.

A une date non précisée, le requérant s'enfuit à l'étranger, où

il demeura introuvable de nombreuses années.

Par arrêt du 19 novembre 1982, déposé au greffe le 18 avril 1983,

la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant. La Cour estima que

les juges d'appel avaient bien évalué toutes les circonstances de

l'affaire ; en particulier, que les traces de sang retrouvées sur le

carton avaient très peu de valeur, compte tenu des circonstances ; que

les poils et cheveux retrouvés sous les ongles de la victime n'avaient

pas été examinés. Mais de toute manière, il aurait été difficile

d'attribuer d'importance à ces moyens de preuve dans le cadre des

événements (sic). La Cour souligna que le requérant avait attendu

presque deux heures avant de rendre sa déposition au commissariat.

Finalement, la Cour conclut qu'il ne s'agissait pas d'une condamnation

basée uniquement sur des indices, étant donné que la présence du

requérant au moment du décès de la victime était certaine, que le

requérant était sorti précipitamment de l'appartement de la victime,

que ses vêtements étaient ensanglantés, qu'il n'avait pas essayé de

secourir la victime et qu'il n'avait pas appelé la police.

2. Procédure en révision et réouverture du procès

Dans des circonstances qui ne ressortent pas du dossier, le

requérant fut expulsé du Mexique le 2 février 1985 ; à son arrivée en

Italie, il fut arrêté.

Le 22 janvier 1987, dans la perspective de se procurer des

éléments de preuve légitimant une demande en révision, le requérant

demanda l'autorisation de la cour d'appel de Venise de pouvoir

effectuer des expertises sur des pièces à conviction saisies à l'époque

de l'enquête. Parmi les pièces à expertiser, le requérant demanda le

carton portant des traces de sang ainsi que les poils et cheveux

trouvés sur la victime.

La cour d'appel informa le requérant (respectivement en

juillet 1987 et en février 1988) que d'une part les poils et cheveux

et d'autre part le carton contenant les traces de sang avaient été

accidentellement égarés.

Le 20 juin 1988, le requérant introduisit une demande en révision

devant la Cour de cassation.

Sa demande en révision se fondait sur les éléments nouveaux ci-

dessous énumérés :

1. selon une expertise des taches sur les gants incriminés, il était

impossible d'affirmer que celles-ci étaient des traces de sang ou

d'établir si les gants avaient été lavés et à quel moment. Le requérant

souligna que lors de sa première déposition, les gants qu'il portait

étaient parfaitement secs ;

2. les chaussures que le requérant portait au moment de sa première

déposition ne correspondaient pas à une empreinte de chaussure relevée

sur le corps de la victime ;

3. selon une expertise hématologique, après une soixantaine de coups

de couteau infligés à une victime ayant lutté pour se défendre, les

vêtements du requérant auraient dû être maculés de sang et non pas

uniquement porter quelques traces de sang.

Le requérant souligna enfin la gravité de la disparition du

carton ensanglanté ainsi que des poils et cheveux retrouvés sur la

victime, le privant ainsi de la possibilité de pouvoir prouver son

innocence par le moyen de tests génétiques.

Par arrêt du 30 janvier 1989, la Cour de cassation fit droit à

la demande du requérant, annulant l'arrêt de la cour d'assises d'appel

de Venise du 19 décembre 1979 et ordonna la réouverture de la procédure

devant une autre section de la même cour d'appel. Dans son arrêt, la

Cour prit en considération le fait que le requérant était privé de la

possibilité de procéder aux tests génétiques ci-dessus mentionnés.

D'autre part, elle estima que les trois éléments nouveaux apportés par

le requérant légitimaient eux seuls une réouverture du procès.

Le 20 octobre 1989, la procédure débuta devant la cour d'assises

d'appel de Venise. Celle-ci ordonna des expertises et procéda à

l'audition des experts et des témoins.

A l'issue des débats et après réexamen de tous les éléments en

sa possession, la cour d'assises d'appel de Venise, en date du 22

décembre 1990, rendit une ordonnance de suspension de la procédure. Il

ressort de cette ordonnance qu'un seul élément nouveau présenté par le

requérant à l'appui de sa demande en révision était de nature à prouver

son innocence. Il s'agissait de l'empreinte de chaussure relevée sur

le corps de la victime que les juges considéraient certainement non

attribuable au requérant ni à une des personnes qui avaient eu accès

aux lieux après l'homicide (policiers, infirmiers). Quant aux

expertises réalisées sur les gants et sur les vêtements du requérant,

la cour était d'avis que ces deux éléments ne pouvaient ni constituer

un moyen de prouver la culpabilité du requérant ni son innocence.

La cour ajouta que ce raisonnement devait logiquement conduire

à un acquittement au bénéfice du doute.

Cependant, il fallait en outre déterminer quelle était la règle

de droit applicable au cas d'espèce. En effet, le nouveau code de

procédure pénale était entré en vigueur au cours du procès. Or, la

solution juridique n'était pas la même selon qu'on appliquait l'ancien

code ou le nouveau texte. Sous l'empire de l'ancien code, une

insuffisance de preuves dans une procédure après révision, conduisait

automatiquement à une condamnation alors que, selon le nouveau code,

l'intéressé devait être acquitté.

Dès lors, la cour d'assises d'appel de Venise renvoya l'affaire

à la Cour constitutionnelle, afin que la question du droit applicable

soit clarifiée.

Par arrêt du 19 juin 1991, la Cour constitutionnelle précisa

qu'il n'y avait en l'espèce pas de conflit de lois dans le temps. En

effet, si l'ancien code s'appliquait à toute procédure en cours,

c'était le nouveau code qu'il fallait appliquer en ce qui concernait

les motifs d'acquittement. Par conséquent, en l'espèce, s'agissant d'un

cas d'insuffisance de preuves, la solution à retenir était

l'acquittement.

Le 21 février 1992, la procédure devant la cour d'assises d'appel

de Venise reprit.

La composition de la cour avait entre-temps changé : le président

avait pris sa retraite, les six jurés étaient nouveaux, seul le juge

rapporteur demeurait.

Par arrêt du 27 mars 1992, la cour d'assises d'appel de Venise

confirma la condamnation prononcée le 19 décembre 1979.

Parmi les éléments produits par le requérant, la cour retint que

l'élément fondamental était la faible quantité de sang de la victime

présente sur les vêtements du requérant par rapport au degré de

violence de l'homicide.

A ce propos, la cour s'appuya sur les résultats d'une expertise

hématologique qui avait été ordonnée avant la suspension de l'affaire.

Sur la base de cette expertise, les experts étaient unanimes sur le

fait que, l'explication la plus vraisemblable de la faible quantité de

sang présente sur les vêtements du requérant ne pouvait être qu'un

comportement agressif. En d'autres termes, les résultats de cette

expertise étaient plutôt défavorables au requérant.

A la suite des expertises de l'empreinte de chaussure retrouvée

sur le corps de la victime, la cour releva qu'il y avait en fait deux

empreintes de chaussures différentes ; il s'est avéré qu'elles

n'étaient pas attribuables à l'une des personnes ayant pu pénétrer sur

les lieux de l'homicide et qu'en même temps, il était impossible

d'affirmer avec certitude qu'elles n'appartenaient pas à l'une ou

l'autre de ces personnes. La cour conclut à l'impossibilité de dire

qu'une de ces empreintes appartenait à un tiers : le présumé assassin.

Ce deuxième élément n'avait donc aucune valeur probante de l'innocence

du requérant.

En ce qui concerne les gants, la cour releva que les experts

avaient conclu à l'impossibilité d'affirmer qu'il y avait bien des

traces de sang, si les gants avaient été lavés et à quel moment. Il

était également impossible d'exclure avec certitude la présence de

sang. La cour conclut que ce dernier élément n'avait également aucune

valeur probante de l'innocence du requérant.

Par la suite, le requérant introduisit un recours en cassation

contre l'arrêt rendu par la cour d'assises d'appel de Venise. Il

faisait valoir que la procédure était entachée de nullité en raison du

changement dans la composition de la cour d'assises d'appel ; que

l'arrêt de la cour d'assises d'appel était également entaché de nullité

en raison de ce que la cour dans sa nouvelle composition avait conclu

à sa culpabilité, alors que l'"ancienne cour" était en faveur de son

acquittement. Le requérant remettait enfin en question l'appréciation

des preuves de la cour d'assises d'appel.

Par arrêt du 24 novembre 1992, déposé au greffe le

22 janvier 1993, la Cour de cassation rejeta le recours introduit par

le requérant. Elle estima en fait que le changement dans la composition

de la cour d'assises d'appel n'entachait pas la procédure de nullité,

étant donné que la procédure avait été suspendue sine die et les débats

avaient été repris ab origine par la cour dans sa nouvelle composition.

Quant à la nullité de l'arrêt de la cour d'assises d'appel alléguée par

le requérant, la Cour de cassation estima qu'uniquement une décision

passée en force de chose jugée aurait empêché la cour dans sa nouvelle

composition de réexaminer l'affaire ; or, tel n'était pas le cas,

puisque l'ordonnance par laquelle la cour d'assises avait remis

l'affaire devant la Cour constitutionnelle ne comportait pas une

décision définitive. Quant à l'appréciation des preuves, la Cour de

cassation estima que le raisonnement de la cour d'assises d'appel était

logique et motivé.

Le 7 avril 1993, le requérant fut gracié.

3. L'exécution de la peine

En février 1985, après avoir été expulsé du Mexique, le requérant

fut arrêté à son arrivée en Italie.

Le 3 août 1987, en raison de problèmes de santé, le requérant

introduisit une demande devant le tribunal de surveillance de Venise

afin d'obtenir la suspension de l'exécution de sa peine.

Le 9 novembre 1987, le tribunal de surveillance de Venise fit

droit à la demande du requérant et ordonna la suspension de l'exécution

de sa peine jusqu'au mois de juillet 1989. Le requérant fut donc remis

en liberté.

Le 10 mai 1989, le requérant saisit la Cour de cassation dans la

perspective de pouvoir obtenir une prorogation de la durée de

suspension de sa peine.

Par arrêt du 6 juillet 1989, la Cour de cassation rejeta la

demande du requérant et précisa que toute demande portant sur la

suspension de sa peine devait être introduite près le tribunal de

surveillance de Venise en tant que juge de l'exécution.

Par la suite, le requérant introduisit sa demande devant le

tribunal de surveillance de Venise.

Par décision du 12 juillet 1991, le tribunal de surveillance se

déclara incompétent, estimant que la cour d'appel de Venise devait

statuer sur cette question.

Par ordonnance du 10 octobre 1991, la cour d'appel de Venise se

déclara incompétente et demanda à la Cour de cassation de préciser

quelle juridiction devait statuer sur la suspension de la peine.

Par arrêt du 19 décembre 1991, la Cour de cassation précisa que

le tribunal de surveillance de Venise était compétent dans le domaine

de la suspension de peines.

Le 28 mars 1992, suite à la condamnation prononcée par la cour

d'assises d'appel de Venise le 27 mars 1992, le parquet de Venise

décerna un mandat d'arrêt à l'encontre du requérant.

Le 28 mars 1992, le requérant fut placé en détention à la prison

de Padoue.

Par décision du 12 mai 1992, le tribunal de surveillance de

Venise ordonna la suspension de l'exécution de la peine pour une année

en raison des problèmes de santé du requérant. Le requérant fut remis

en liberté.

Il ressort du dossier que durant la période allant de juillet

1989 au 27 mars 1992, le requérant est resté en liberté.

GRIEFS

S'agissant de la procédure après réouverture du procès :

1. Le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié d'une procédure

équitable.

Invoquant l'article 6 par. 3 b) de la Convention, le requérant

se plaint d'abord que certains éléments de preuve saisis par la police

à l'époque de l'enquête aient été accidentellement égarés par l'Etat.

Il fait valoir qu'il a ainsi été privé de la possibilité de procéder

à des tests qui auraient pu prouver son innocence.

Invoquant l'article 6 par. 1 et par. 3 d), il se plaint également

du changement dans la composition de la cour d'assises d'appel de

Venise après la reprise du procès. Il fait valoir que la cour dans sa

nouvelle composition a réexaminé l'affaire, se limitant à lire les

actes de la procédure au lieu d'entendre à nouveau les experts et les

témoins, et qu'elle a conclu à sa culpabilité.

2. Le requérant se plaint également de la durée de cette procédure.

Il allègue la violation de l'article 6 par. 1 de la Convention.

S'agissant de la procédure pénale initiale

3. Le requérant se plaint de la durée de la procédure pénale dont

il a fait l'objet. Il allègue la violation de l'article 6 par. 1 de la

Convention.

Autres griefs

4. Le requérant soulève plusieurs griefs portant sur sa détention

provisoire. Il se plaint notamment de la durée excessive de la période

de détention provisoire dont il a fait l'objet entre le 20 janvier 1976

et le 5 mai 1978, d'avoir été transféré en août 1977 à la prison

spéciale de Cuneo, de ne pas avoir eu la possibilité de recourir contre

cette décision et d'avoir été soumis à un régime de détention très dur

prévu pour le personnes dangereuses. Il invoque les articles 3,

5 par. 3 et par. 4, 6 par. 2 de la Convention.

5. Invoquant l'article 3 de la Convention, le requérant allègue

avoir fait l'objet d'un traitement dégradant et inhumain en raison du

délai de trois ans qui s'est écoulé entre le jour où il a demandé une

prolongation de la suspension de l'exécution de la peine à la cour

d'appel de Venise (10.5.89) et le jour où le tribunal de surveillance

de Venise a statué (12.5.92) sur sa demande. Invoquant la même

disposition, le requérant se plaint que le mandat d'arrêt décerné le

28 mars 1992 par le parquet de Venise et la période de détention qui

s'en est suivie, constituent un traitement dégradant et inhumain.

EN DROIT

1. Le requérant se plaint de ne pas avoir bénéficié d'une procédure

équitable devant la cour d'assises d'appel de Venise, juridiction

saisie après la décision ordonnant la réouverture de son procès rendue

par la Cour de cassation.

Invoquant l'article 6 par. 1 et par. 3 d) (art. 6-1, 6-3-d) de

la Convention, le requérant fait valoir que la cour d'assises d'appel

de Venise, après la reprise des débats, a presque entièrement changé

sa composition, qu'elle s'est limitée à lire les actes de la procédure

rédigés avant la suspension des débats et qu'elle a conclu à sa

culpabilité.

Invoquant l'article 6 par. 3 b) (art. 6-3-b) de la Convention,

le requérant se plaint également que certains éléments de preuve, qui

à l'époque de l'enquête avaient été saisis par la police, n'ont pas été

conservés par l'Etat et n'ont donc pas pu faire l'objet des examens

demandés par le requérant.

L'article 6 (art. 6) dans ses parties pertinentes dispose :

1. "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue

équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un

tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui

décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations

de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en

matière pénale dirigée contre elle (...)

(...)

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...)

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la

préparation de sa défense ;

(...)

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir

la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les

mêmes conditions que les témoins à charge."

En l'état actuel du dossier, la Commission estime ne pas être en

mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge

nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du

Gouvernement italien en application de l'article 48 par. 2 b) de son

Règlement intérieur.

2. Le requérant se plaint de la durée de la procédure qu'il a

engagée devant les juridictions italiennes pour obtenir la réouverture

de son procès et de la procédure qui s'en est suivie. Il allègue la

violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention qui dispose

notamment :

"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...)

dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera,

(...) des contestations sur ses droits et obligations de

caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en

matière pénale dirigée contre elle (...)"

Selon le requérant, la procédure a commencé le 20 juin 1988, date

de l'introduction de sa demande en révision, et a pris fin le

22 janvier 1993, date du dépôt au greffe de l'arrêt de la Cour de

cassation.

La Commission rappelle d'abord que l'article 6 (art. 6) n'est pas

applicable à une procédure d'examen d'une demande tendant à la révision

d'une condamnation (No 13601/88 et No 13602/88, déc. 6.7.89, D.R. 62

pp. 284, 288). Par conséquent, la seule période que la Commission

pourrait examiner serait celle à partir du moment où la Cour de

cassation fit droit à la demande du requérant, c'est-à-dire le

30 janvier 1989.

Toutefois, la Commission estime qu'en l'espèce la question de

l'applicabilité de cette disposition à la phase de la procédure tendant

à obtenir la réouverture du procès peut demeurer non résolue, étant

donné que cette partie de la requête est irrecevable pour le motif

suivant.

A supposer que l'article 6 (art. 6) de la Convention soit

applicable à toute la procédure, la Commission note que la durée de

celle-ci s'étend sur quatre ans et sept mois environ.

Eu égard au fait que quatre juridictions eurent à connaître de

l'affaire, la Cour de cassation, la Cour constitutionnelle, la cour

d'assises d'appel de Venise et la Cour de cassation s'étant prononcées

(respectivement le 30 janvier 1989, le 19 juin 1991, le 27 mars 1992,

le 24 novembre 1992), la Commission considère que, dans les

circonstances de la cause, cette durée n'est pas excessive.

Il s'ensuit qu'il n'y a aucune apparence de violation de cette

disposition. Cette partie de la requête est dès lors manifestement mal

fondée et doit être rejetée conformément à l'article 27 par. 2

(art. 27-2) de la Convention.

3. Le requérant se plaint de la durée de la première procédure

pénale dont il a fait l'objet. Il allègue la violation de l'article 6

par. 1 (art. 6-1) de la Convention.

Toutefois, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur le

point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent

l'apparence d'une violation de cette disposition. En effet,

l'article 26 (art. 26) de la Convention prévoit que la Commission ne

peut être saisie que dans le délai de six mois à compter de la décision

interne définitive.

En l'espèce, la Commission constate que la procédure litigieuse

s'est terminée le 18 avril 1983 par le dépôt au greffe de l'arrêt de

la Cour de cassation, alors que la requête a été introduite devant la

Commission le 15 mai 1993, bien plus de six mois plus tard.

Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté en application des

articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la Convention.

4. Le requérant soulève plusieurs griefs portant sur sa détention

provisoire. Il se plaint notamment de la durée excessive de la période

de détention provisoire dont il a fait l'objet entre le 20 janvier 1976

et le 5 mai 1978, d'avoir été transféré en août 1977 à la prison

spéciale de Cuneo, de ne pas avoir eu la possibilité de recourir contre

cette décision et d'avoir été soumis à un régime de détention très dur

prévu pour les personnes dangereuses. Il invoque les articles 3,

5 par. 3 et par. 4, 6 par. 2 (art. 3, 5-3, 5-4, 6-2) de la Convention.

Toutefois, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur le

point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent

l'apparence d'une violation de ces dispositions. En effet, aux termes

de l'article 26 (art. 26) de la Convention, la Commission ne peut être

saisie que dans le délai de six mois à compter de la décision interne

définitive.

En l'espèce, la Commission constate que la période de détention

provisoire dont le requérant a fait l'objet a pris fin le 5 mai 1978,

alors que la requête a été introduite devant la Commission le 15 mai

1993, bien plus de six mois plus tard.

Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en

application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la

Convention.

5. Invoquant l'article 3 (art. 3) de la Convention, le requérant

allègue avoir fait l'objet d'un traitement dégradant et inhumain en

raison du délai de trois ans qui s'est écoulé entre le jour où il a

demandé une prolongation de la suspension de la peine à la cour d'appel

de Venise (10.5.89) et le jour où le tribunal de surveillance de Venise

a statué sur sa demande (12.5.92). Invoquant la même disposition, le

requérant se plaint que le mandat d'arrêt décerné le 28 mars 1992 par

le parquet de Venise et la période de détention qui s'en est suivie

constituent un traitement dégradant et inhumain.

La Commission note d'abord que, jusqu'au 28 mars 1992, le

requérant bénéficiait d'une suspension de l'exécution de la peine,

ordonnée par le tribunal de surveillance de Venise le 9 novembre 1987.

En tout état de cause, la Commission n'est pas appelée à se

prononcer sur le point de savoir si les faits allégués par le requérant

révèlent l'apparence d'une violation de cette disposition. En effet,

aux termes de l'article 26 (art. 26) de la Convention, la Commission

ne peut être saisie que dans le délai de six mois à compter de la

décision interne définitive.

En l'espèce, la Commission constate que la décision du tribunal

de surveillance de Venise date du 12 mai 1992, alors que la requête a

été introduite devant la Commission le 15 mai 1993, bien plus de six

mois plus tard.

Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en

application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la

Convention.

Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

AJOURNE l'examen des griefs tirés de l'équité de la procédure

pénale après réouverture du procès.

DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus.

Le Secrétaire Le Président

de la Commission de la Commission

(H.C. KRÜGER) (S. TRECHSEL)