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Rozhodnutí
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête No 27720/95
présentée par Massimo CHINDAMO
contre l'Italie
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 10 septembre 1997 en
présence de
Mme J. LIDDY, Présidente
MM. M.P. PELLONPÄÄ
E. BUSUTTIL
A. WEITZEL
C.L. ROZAKIS
L. LOUCAIDES
B. MARXER
B. CONFORTI
N. BRATZA
I. BÉKÉS
G. RESS
A. PERENIC
C. BÎRSAN
K. HERNDL
Mme M. HION
M. R. NICOLINI
Mme M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 24 mai 1995 par le requérant contre
l'Italie et enregistrée le 26 juin 1995 sous le numéro de dossier
27720/95 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un ressortissant italien né en 1952 et
actuellement détenu à la prison de Rome.
Les faits, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent
se résumer comme suit.
A. Circonstances particulières de l'affaire
Le 26 juillet 1990, le requérant fut renvoyé en jugement devant
le tribunal de Milan pour tentative d'homicide, extorsion, vol aggravé,
menaces, coups et blessures et incendie criminel. A une date non
précisée, le procureur de la République de Milan décerna un mandat
d'arrêt à l'encontre du requérant.
Toutefois, ce mandat ne fut pas exécuté car selon les
informations fournies par le requérant, peu de jours après les faits
objet de son inculpation, celui-ci avait quitté l'Italie pour
l'Espagne. A une date non précisée, l'Italie demanda aux autorités
espagnoles l'extradition du requérant.
Par jugement du 8 avril 1991, le tribunal de Milan condamna le
requérant à la peine de quinze ans d'emprisonnement. Dans le texte du
jugement, le tribunal observa notamment que le requérant, bien que
régulièrement invité à comparaître, ne s'était pas présenté et n'avait
pas fourni d'explications pertinentes ; ce de fait, le tribunal le
déclara en fuite ("contumace"). Le requérant ayant entre-temps été
déclaré introuvable ("irreperibile"), le 11 juin 1991 le jugement du
8 avril 1991 fut notifié, aux termes de l'article 159 du code de
procédure pénale, à son avocat d'office. Le 12 juillet 1991, cette
décision acquit l'autorité de la chose jugée.
Le 12 juillet 1991, le requérant fut arrêté par la police
espagnole et placé en détention sous écrou extraditionnel.
Par jugement du 27 août 1992, l'Audiencia Nacional de Madrid
rejeta la demande d'extradition présentée par les autorités italiennes
et ordonna la libération du requérant. L'Audiencia Nacional observa
notamment que par ordonnance du 11 avril 1991, elle avait précisé que
la concession de l'extradition était subordonnée à ce que les autorités
italiennes garantissent de tenir un nouveau procès en présence du
requérant. Toutefois, l'ambassade italienne en Espagne avait communiqué
que le système juridique italien ne prévoyait aucune possibilité de
réexaminer la procédure après l'arrestation ou l'extradition du
condamné. De ce fait, l'Audiencia Nacional estima que l'extradition
aurait privé le requérant du droit reconnu par l'article 14 par. 5 du
Pacte international des Droits civils et politiques, aux termes duquel
toute personne déclarée responsable d'une infraction pénale a le droit
de faire examiner la déclaration de culpabilité ou la peine qui lui a
été appliquée par un tribunal supérieur établi conformément à la loi.
Environ vingt-deux mois plus tard, le requérant fut arrêté à
nouveau par les autorités espagnoles et fut remis en liberté, après
cinquante-six jours de détention, le 18 août 1994. Toutefois, le
13 octobre 1994 il fut arrêté pour la troisième fois afin de donner
exécution à un ordre d'expulsion prononcé par le délégué du
Gouvernement espagnol ("Delegado del Gobierno") de Madrid ; le
requérant était notamment soupçonné d'être impliqué dans des activités
contraires à l'ordre publique. Le 16 octobre 1994, le requérant fut
expulsé du territoire espagnol vers l'Italie, où il fut mis en
détention en exécution du jugement du tribunal de Milan du 8 avril
1991.
A une date non précisée, le requérant introduisit une demande
d'aide judiciaire. Par ordonnance du 5 avril 1995, dont le texte fut
déposé au greffe le 6 avril 1995, le tribunal de Milan rejeta cette
demande car le requérant n'avait pas indiqué la procédure qu'il
souhaitait engager.
Le 23 décembre 1995, le requérant demanda à la cour d'appel de
Milan d'ordonner la révision de son procès (article 630 du code de
procédure pénale italien). Par ordonnance du 17 avril 1996, dont le
texte fut déposé au greffe le 23 avril 1996, la cour déclara cette
demande irrecevable car le requérant n'avait indiqué aucun fait nouveau
visant à démontrer qu'il aurait dû être acquitté.
Le 29 décembre 1995, le requérant se pourvut en cassation. Il
allégua notamment qu'il n'avait pas été informé de la procédure ouverte
à son encontre et demanda l'annulation du jugement du tribunal de Milan
ou "le relèvement de forclusion" devant ladite juridiction. Par arrêt
du 6 juin 1996, dont le texte fut déposé au greffe le 9 juillet 1996,
la Cour estima que ce pourvoi devait en réalité être qualifié d'appel
tardif (article 569 par. 3 du code de procédure pénale italien) et
ordonna la transmission du dossier à la cour d'appel de Milan.
Le 17 octobre 1996 se tint l'audience devant cette dernière
juridiction. Par arrêt du même jour, dont le texte fut déposé au greffe
le 18 octobre 1996, la cour déclara l'appel irrecevable pour tardiveté.
Elle observa notamment que le requérant avait eu connaissance du
jugement du tribunal de Milan, au plus tard, le 16 octobre 1994, date
à laquelle il avait été placé en détention en Italie. Or, le requérant
avait introduit sa demande de relèvement de forclusion le 29 décembre
1995, soit bien après l'expiration du délai de dix jours prévu à
l'article 175 par. 3 du code de procédure pénale.
B. Droit interne applicable
La demande de relèvement de forclusion est prévue par les
paragraphes 2 et 3 de l'article 175 du code de procédure pénale
italien, qui contiennent les dispositions suivantes :
"2. Se è stata pronunciata sentenza contumaciale (...)
puo' essere chiesta la restituzione nel termine per
proporre impugnazione anche dall'imputato che provi di non
aver avuto effettiva conoscenza del provvedimento, sempre
che l'impugnazione non sia stata già proposta dal difensore
e il fatto non sia dovuto a sua colpa (...)"
"3. La richiesta per la restituzione nel termine è
presentata, a pena di decadenza, entro dieci giorni da
quello (...) in cui l'imputato ha avuto effettiva
conoscenza dell'atto (...)"
<Traduction>
"2. Toute personne condamnée par défaut peut demander une
prorogation du délai d'appel contre le jugement,
lorsqu'elle peut établir qu'elle n'en a pas eu
connaissance, sans qu'il y ait faute de sa part.
3. La demande de prorogation doit être
présentée dans les dix jours suivant la date à laquelle
l'accusé a eu connaissance du jugement."
GRIEFS
1. Le requérant allègue la violation de l'article 6 par. 3 b) et c)
de la Convention, au motif qu'il a été condamné par défaut, sans avoir
été entendu par un tribunal et sans avoir eu la possibilité de se
défendre personnellement.
2. Le requérant se plaint en outre de la violation de son droit à
faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de
culpabilité ou la condamnation. Il allègue en même temps que
l'acquisition de l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal
de Milan a constitué une entrave à la réouverture de son procès. Il
invoque les articles 2 et 4 par. 2 du Protocole N° 7.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint d'avoir été condamné par défaut, sans
avoir été entendu par un tribunal et sans avoir eu la possibilité de
se défendre. Il allègue la violation de l'article 6 par. 3 b) et c)
(art. 6-3-b, 6-3-c) de la Convention.
La Commission rappelle d'abord que les garanties du paragraphe 3
de l'article 6 (art. 6) de la Convention représentent des aspects
particuliers de la notion de procès équitable contenue dans le
paragraphe 1 de cette même disposition (voir Cour eur. D.H., arrêt
Unterpertinger c. Autriche du 24 novembre 1986, série A n° 110, p. 14,
par. 29). Il y a donc lieu d'examiner le grief du requérant sous
l'angle des paragraphes 1 et 3 b) et c) de l'article 6
(art. 6-1, 6-3-b, 6-3-c), ainsi libellés :
"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera
(...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale
dirigée contre elle (...)
3. Tout accusé a droit notamment à :
(...)
b. disposer du temps et des facilités nécessaires à la
préparation de sa défense ;
c. se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un
défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de
rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement
par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice
l'exigent."
Toutefois, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur le
point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent
l'apparence d'une violation de cette disposition. En effet, aux termes
de l'article 26 (art. 26) de la Convention, la Commission ne peut être
saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il
est entendu selon les principes de droit international généralement
reconnus. En plus, il appartient aux justiciables de respecter les
règles de procédure prescrites par le droit interne car dans le cas
contraire, la Commission ne saurait considérer que l'exigence de
l'épuisement des recours internes ait été satisfaite (cf. N° 10636/83,
déc. 1.7.1985, D.R. 43, pp. 171, 173).
Dans le cas d'espèce, la Commission constate que la cour d'appel
de Milan a rejeté pour tardiveté la demande en relèvement de
forclusion, moyen qui aurait pu porter remède aux violations alléguées
(N° 23451/94, déc. 6.4.95, D.R. 81-A, p. 72 ; N° 29774/96, déc.
26.2.97, non publiée). Par ailleurs, l'examen de l'affaire n'a permis
de déceler aucune circonstance particulière qui aurait pu dispenser le
requérant, selon les principes de droit international généralement
reconnus en la matière, d'épuiser les voies de recours internes.
Il s'ensuit que le requérant n'a pas satisfait à la condition de
l'épuisement des voies de recours internes conformément à l'article 26
(art. 26) de la Convention et que cette partie de la requête doit être
rejetée en application de l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la
Convention.
2. Le requérant se plaint en outre de la violation de son droit à
faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de
culpabilité ou la condamnation. Il allègue en même temps que
l'acquisition de l'autorité de la chose jugée du jugement du tribunal
de Milan a constitué une entrave à la réouverture de son procès. Il
invoque les articles 2 et 4 par. 2 du Protocole N° 7 (P7-2, P7-4-2).
La Commission rappelle que, par acte du 4 novembre 1996, le
Gouvernement de l'Italie, conformément aux dispositions des articles 25
(art. 25) de la Convention et 7 par. 2 du Protocole N° 7 (P7-7-2), a
pour la première fois reconnu le droit de recours individuel pour les
articles 1 à 5 du Protocole N° 7 (P7-1, P7-2, P7-3, P7-4, P7-5) pour
tout acte, décision ou événement postérieur à la date du 31 décembre
1996. La Commission constate que les faits auxquels se rapportent les
griefs du requérant sont antérieurs à cette dernière date. Or, la
Commission en'est pas compétente pour connaître des faits qui se sont
produits avant la date à laquelle a pris effet la déclaration de
l'Italie qui a reconnu la compétence de la Commission à être saisie des
requêtes individuelles.
Il s'ensuit que cette partie de la requête échappe à la
compétence ratione temporis de la Commission et qu'elle est donc
incompatible avec les dispositions de la Convention, au sens de
l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
M.F. BUQUICCHIO J. LIDDY
Secrétaire Présidente
de la Première Chambre de la Première Chambre