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Rozhodnutí
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 30979/96
présentée par Nicolas FRYDLENDER
contre la France
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 14 avril 1998 en présence de
MM. S. TRECHSEL, Président
J.-C. GEUS
G. JÖRUNDSSON
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
F. MARTINEZ
C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
MM. L. LOUCAIDES
M.A. NOWICKI
I. CABRAL BARRETO
N. BRATZA
I. BÉKÉS
J. MUCHA
D. SVÁBY
G. RESS
A. PERENIC
C. BÎRSAN
P. LORENZEN
K. HERNDL
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
M. VILA AMIGÓ
Mme M. HION
MM. R. NICOLINI
A. ARABADJIEV
M. M. de SALVIA, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 20 novembre 1995 par Nicolas
FRYDLENDER contre la France et enregistrée le 11 avril 1996 sous le N°
de dossier 30979/96 ;
Vu les rapports prévus à l'article 47 du Règlement intérieur de
la Commission ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le
30 janvier 1997 et les observations en réponse présentées par le
requérant le 14 mars 1997 ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant est un citoyen français né en 1939 et résidant à
Rome.
Les faits, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent
se résumer comme suit.
En juillet 1972, le requérant fut recruté en tant qu'agent
contractuel par le service de l'expansion économique du ministère de
l'Economie, des Finances et du Budget. Il exerça ses fonctions
successivement à Rome et à Athènes, avant d'être affecté à New-York en
juin 1984.
Conformément au décret N° 69.697 du 18 juin 1969 portant fixation
du statut des agents contractuels de l'Etat en service à l'étranger,
le requérant exerçait ses fonctions en vertu de contrats d'une durée
de 30 mois, renouvelables par tacite reconduction mais pouvant être
résiliés par l'administration avec un préavis de trois mois, notamment
en cas de licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par lettre du 10 décembre 1985, qui lui fut notifiée le
27 décembre, le ministre de l'Economie, des Finances et du Budget,
informa le requérant qu'il envisageait de ne pas renouveler son contrat
lorsqu'il arriverait à échéance le 13 avril 1986, pour insuffisance
professionnelle. Par lettre du 9 janvier 1986, notifiée au requérant
le 21 janvier, le ministre lui fit parvenir la décision définitive de
non-renouvellement du contrat.
Par courriers datés du 28 février, 3 mars et 13 juin 1986, le
requérant saisit le tribunal administratif de Paris de trois recours
en excès de pouvoir. Le premier tendait à l'annulation de la première
lettre envoyée par le ministre, en date du 10 décembre 1985, qui avait
le caractère d'un acte préparatoire à une décision définitive. Le
deuxième tendait à l'annulation de la décision définitive de
licenciement contenue dans la lettre du 9 janvier 1986. La troisième
requête visait à contester la légalité de l'acte de nomination d'une
autre personne au poste antérieurement occupé par le requérant.
Par jugement du 6 janvier 1989, le tribunal administratif de
Paris rejeta les trois recours, après les avoir joints.
Le 24 octobre 1989, le requérant se pourvut devant le Conseil
d'Etat. Par arrêt du 10 mai 1995, notifié le 26 octobre 1995, le
Conseil d'Etat rejeta le recours formé par le requérant en considérant
notamment que le ministre en cause avait pu légalement licencier le
requérant pour insuffisance professionnelle.
GRIEF
Le requérant se plaint de la durée de la procédure visant à
contester son licenciement et invoque l'article 6 par. 1 de la
Convention.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
La requête a été introduite le 20 novembre 1995 et enregistrée
le 11 avril 1996.
Le 16 octobre 1996, la Commission a décidé de porter la requête
à la connaissance du Gouvernement mis en cause, en l'invitant à
présenter par écrit ses observations sur sa recevabilité et son bien-
fondé.
Le Gouvernement a présenté ses observations le 30 janvier 1997,
après prorogation du délai imparti, et le requérant y a répondu le
14 mars 1997.
EN DROIT
Le requérant se plaint de la durée de la procédure et invoque
l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, dont la partie
pertinente dispose :
«Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...)
dans un délai raisonnable (...) par un tribunal (...) qui
décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations
de caractère civil (...).»
1. Sur l'applicabilité de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)
Le Gouvernement mis en cause soutient tout d'abord que la requête
est incompatible ratione materiae avec les dispositions de l'article 6
par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Invoquant la jurisprudence de la
Commission, selon laquelle l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la
Convention n'est pas applicable à des contestations concernant la
fonction publique, il affirme que la situation des agents contractuels
de l'administration est assimilable à celles des fonctionnaires.
A cet égard, il souligne qu'en France seules les juridictions
administratives sont compétentes pour connaître des litiges qui
opposent les contractuels de droit public à leur employeur et que le
statut de l'agent public contractuel est, tout entier, conditionné par
les contraintes du service public, y compris en ce qui concerne la
cessation des fonctions et les conditions de rémunération. Selon lui,
la signature du contrat apparaît comme la manifestation d'un accord de
volontés déclenchant l'application d'un statut préexistant, et non
comme l'aboutissement d'une négociation des parties sur le contenu de
ce statut.
Le requérant conteste l'exception d'irrecevabilité soulevé par
le Gouvernement. Il estime en effet qu'une distinction s'impose entre
les qualités d'agent contractuel et de fonctionnaire et rappelle à cet
égard la jurisprudence française selon laquelle «les agents
contractuels et les fonctionnaires titulaires ne se trouvent pas dans
la même situation juridique au regard du service public» (Conseil
d'Etat, 11 janvier 1980, Delannay).
Si le requérant admet que certaines contraintes liées au service
public en général étaient contenues dans son contrat, il souligne en
revanche un certain nombre de particularités liées à son statut d'agent
contractuel non titulaire. Il relève en particulier que ce statut ne
lui donnait aucunement la sécurité de l'emploi assurée aux
fonctionnaires, pas plus qu'il ne donnait lieu à une inscription au
tableau d'avancement des attachés et conseillers commerciaux, propre
à chacun des corps de fonctionnaires. En outre, le statut d'agent
contractuel non titulaire ouvrait droit à un système de retraite
particulier, avec notamment la constitution d'un pécule, transformé en
l'occurrence en une indemnité de licenciement.
Par ailleurs, le requérant rejette l'argument du Gouvernement
fondé sur la nature publique du contrat. Selon lui, il n'existe pas de
différence substantielle entre un contrat passé avec l'administration
faisant référence à un «statut préexistant» et ceux passés avec
d'autres organismes qui font référence à des statuts ou des règlements
intérieurs. Il estime en outre que l'argument du Gouvernement tiré de
la compétence des juridictions administratives pour connaître des
litiges qui opposent les contractuels de droit public à leur employeur
ne saurait être retenu.
2. Sur la violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1)
Quant à l'appréciation du bien-fondé du grief tiré de la durée
excessive de la procédure devant les juridictions administratives, le
Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Commission.
Le requérant estime que la durée de la procédure ne répond pas
à l'exigence du «délai raisonnable». Il souligne que le Gouvernement
n'a fourni aucune explication à cet égard, alors qu'aucune
justification ne saurait être trouvée ni dans la complexité de
l'affaire, ni dans le comportement du requérant.
Ayant examiné les arguments des parties, la Commission estime que
la requête, y compris en ce qui concerne l'applicabilité de l'article 6
par. 1 (art. 6-1) de la Convention à la procédure litigieuse, soulève
des questions de fait et de droit qui ne sauraient être résolues à ce
stade de l'examen de l'affaire, mais nécessitent un examen au fond. La
requête ne saurait dès lors être déclarée manifestement mal fondée en
application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. En
outre, la requête ne se heurte à aucun autre motif d'irrecevabilité.
Par ces motifs, la Commission, à la majorité,
DECLARE LA REQUETE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés.
M. de SALVIA S. TRECHSEL
Secrétaire Président
de la Commission de la Commission