Přehled
Rozhodnutí
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête N° 36968/97
présentée par Julio HERNANDEZ
RODRIGUEZ-CALVO et autres
contre l'Espagne
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième
Chambre), siégeant en chambre du conseil le 1er juillet 1998 en
présence de
MM. J.-C. GEUS, Président
M.A. NOWICKI
G. JÖRUNDSSON
A. GÖZÜBÜYÜK
J.-C. SOYER
H. DANELIUS
Mme G.H. THUNE
MM. F. MARTINEZ
I. CABRAL BARRETO
D. SVÁBY
P. LORENZEN
E. BIELIUNAS
E.A. ALKEMA
A. ARABADJIEV
Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 11 juillet 1997 par Julio HERNANDEZ
RODRIGUEZ-CALVO et autres contre l'Espagne et enregistrée le
21 juillet 1997 sous le N° de dossier 36968/97 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la
Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, dont les noms figurent sur la liste en annexe,
travaillent au sein de la société E.A. S.A., en tant que cadres où
employés, et sont domiciliés à Salamanca. Devant la Commission ils
sont représentés par Maître Jesús Ramón Peñalvert, avocat au barreau
de Madrid.
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été présentés par les
requérants, peuvent se résumer comme suit.
A. Circonstances particulières de l'affaire
Le 19 novembre 1987, la société E.A., S.A. obtint l'autorisation
nécessaire pour le déversement d'eaux résiduelles dans la rivière
limitrophe.
Entre le 20 et le 31 octobre 1994, diverses analyses réalisées
par les services techniques compétents de l'administration révélèrent
de nombreux déversements non autorisés d'eaux polluées.
Le 7 novembre 1994, le service de protection de la nature de la
garde civile déposa une plainte à l'encontre de la société E.A. S.A.,
et des requérants, des espèces piscicoles ayant été décimées dans une
rivière, pour délit présumé d'atteinte à l'environnement, prévu par
l'article 347 bis par. 1 du Code pénal.
Le juge d'instruction pénal numéro 6 de Salamanca engagea des
poursuites pénales.
Par ailleurs, quelques semaines plus tard, les maires des
municipalités riveraines, se plaignirent des mêmes faits dans la
presse, ce qui entraîna une forte médiatisation de l'affaire dans la
presse locale.
Le 17 juin 1996, la phase orale du procès débuta par la
présentation de preuves d'expertises, documentaires et témoignages,
ainsi que par l'audition des accusés.
Par décision du juge pénal numéro 2 de Salamanca, en date du
28 juin 1996, les requérants furent reconnus coupables d'un délit
d'atteinte à l'environnement et condamnés individuellement à une peine
d'un mois et un jour de prison, à des amendes ainsi qu'à la déchéance
de leurs droits civils pendant la durée de la peine. Le juge se fonda
notamment sur le fait que le dépurateur de la société mise en cause ne
fonctionnait pas, sur l'analyse et le résultat des échantillons d'eaux
déversées, ainsi que sur d'autres expertises réalisées par divers
services de l'administration.
Les requérants firent appel auprès de l'Audiencia Provincial de
Salamanca, allégant une mauvaise appréciation des preuves et la
violation du principe de la présomption d'innocence. Par arrêt en date
du 22 octobre 1996, l'Audiencia rejeta le recours et confirma le
jugement entrepris.
Les requérants saisirent le Tribunal constitutionnel d'un recours
en amparo en allégant la violation du principe de la présomption
d'innocence et du droit à un procès équitable pour défaut de juge
impartial. Par décision du 26 février 1997, notifiée le 4 mars
1997, la haute juridiction rejeta le recours comme étant dépourvu de
base constitutionnelle. S'agissant de la violation alléguée de la
présomption d'innocence, la haute juridiction constata que les
juridictions du fond avaient fondé leurs décisions sur des preuves
directes provenant d'expertises ainsi que sur des témoignages, y
compris les déclarations des accusés eux-mêmes contradictoirement
débattues. S'agissant de l'équité de la procédure, pour ce qui est de
l'impartialité des juges, le Tribunal constitutionnel rappela que les
requérants n'avaient signalé aucune cause de récusation des juges, ni
en première ni en deuxième instance.
B. Droit interne pertinent
Code Pénal
Article 347 bis par. 1
« Sera puni d'une peine d'emprisonnement de courte durée
et d'une amende de 175 000 à 5 000 000 pesetas quiconque,
enfreignant les lois ou règlements protecteurs de
l'environnement, provoque ou pratique directement ou
indirectement des émissions ou déversements de déchets de
tout genre, dans l'atmosphère, le sol ou les eaux
terrestres ou maritimes, susceptibles de mettre en danger
grave la santé des personnes ou de nuire gravement aux
conditions de vie animale, aux forêts, espaces naturels ou
plantations utiles.
(...) »
GRIEFS
Les requérants, alléguant la violation de l'article 6 par. 1 et 2
de la Convention, se plaignent que leur cause n'a pas été entendue
équitablement, par une juridiction impartiale, et qu'ils n'ont pas
bénéficié durant la procédure du principe de la présomption
d'innocence, en raison notamment, d'une mauvaise appréciation des
preuves et des pressions sur les juges découlant de la médiatisation
de l'affaire.
Les requérants soutiennent que la publicité faite autour de
l'affaire, pendant le déroulement de la procédure engagée à leur
encontre, a pratiquement engendré une « procédure parallèle », par le
biais des moyens de communication. Les requérants font valoir que le
jour où leur jugement de condamnation fut prononcé, ils avaient déjà
été jugés et condamnés par les médias.
EN DROIT
Les requérants se plaignent d'une prétendue iniquité de la
procédure et de ce que le principe de la présomption d'innocence a été
méconnu à leur encontre. Ils invoquent l'article 6 par. 1 et 2
(art. 6-1, 6-2) de la Convention, dont les parties pertinentes se
lisent ainsi :
« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal
indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...)
du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée
contre elle (...).
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement
établie. »
La Commission a examiné la requête sous l'angle de la règle
générale du paragraphe 1 de l'article 6 (art. 6-1) de la Convention
tout en ayant présentes à l'esprit les exigences du paragraphe 2 de
cette disposition de la Convention.
La Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément
à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des
engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes.
En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête
relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par
une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui
semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et
libertés garantis par la Convention (N° 25062/94, déc. 18.10.95,
D.R. 83, p. 77).
La Commission doit cependant s'assurer que la procédure
considérée dans son ensemble a revêtu un caractère équitable. A ce
sujet, la Commission rappelle que la question de savoir si une
procédure s'est déroulée conformément aux exigences du procès
équitable, telles que prévues à l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la
Convention, doit être tranchée sur la base d'une appréciation de la
procédure en cause considérée dans sa globalité (Cour eur. D.H., arrêt
Barberá, Messegué et Jabardo c. Espagne du 6 décembre 1988, série A n°
146, p. 31, par. 68). Par ailleurs, il n'entre pas dans les
attributions de la Commission de substituer sa propre appréciation des
faits et des preuves à celle des juridictions internes, sa tâche étant
de s'assurer que les moyens de preuve ont été présentés de manière à
garantir un procès équitable.
En l'espèce, la Commission note que les juridictions mises en
cause ont conclu que les requérants, eu égard aux fonctions qu'ils
occupaient au sein de l'entreprise, étaient responsables du déversement
des eaux toxiques dans la rivière et, d'autre part, que la pollution
des eaux de la rivière était suffisamment établie. La Commission
constate que la juridiction du fond espagnole a reconnu coupables les
requérants de faits qui leur étaient reprochés en se basant sur un
ensemble d'éléments de preuve recueillis tout au long de l'instruction
et, notamment, sur le fait que le dépurateur ne fonctionnait pas et sur
l'analyse et le résultat des échantillons d'eaux déversées et d'autres
expertises réalisées par divers services de l'administration.
La Commission relève que la cause des requérants a été examinée
dans le cadre d'une procédure contradictoire par deux instances
judiciaires qui ont fondé en droit leurs décisions. Elle constate que
les requérants ont été entendus en audience publique et qu'ils ont pu
faire valoir tous les éléments de preuve qu'ils ont estimés nécessaires
à la défense de leur cause. Le fait que les requérants n'ont pas
obtenu gain de cause ne saurait suffire à conclure à une violation de
la disposition invoquée.
S'agissant des prétendues pressions sur les juges découlant de
la médiatisation de l'affaire par la presse locale, la Commission
rappelle qu'elle a admis qu'une virulente campagne de presse pouvait,
dans certains cas, nuire à l'équité du procès et engager la
responsabilité de l'Etat, notamment lorsqu'elle a été provoquée par
l'un de ses organes (N° 7572/76, 7586/76 et 7587/76, déc. 8.7.78,
D.R. 14, p. 64 ; et N°10857/84, déc. 15.7.86, D.R. 48, p. 121). Elle
constate que tel n'est pas le cas en l'espèce. La Commission considère
que le fait qu'une affaire fasse l'objet d'une certaine publicité ne
peut suffire pour conclure au caractère inéquitable de la procédure.
Par ailleurs, comme il a été dit plus haut, l'appréciation
correcte ou non des preuves ne relève pas de la compétence de la
Commission.
De surcroît, la Commission relève que, dans le cas d'espèce,
l'impartialité des juges n'a pas réellement été mise en cause par les
requérants devant les juridictions de jugement. A cet égard, comme l'a
souligné le Tribunal constitutionnel dans sa décision, la Commission
note que les requérants n'ont pas signalé devant les juridictions du
fond une cause quelconque de récusation des juges.
Dès lors, la Commission estime par ailleurs que rien ne permet
de conclure que la publicité qui entourait cette affaire dans la région
a affecté la notion de procès équitable, telle qu'envisagée par
l'article 6 par. 1 et 2 (art. 6-1, 6-2) de la Convention.
Il s'ensuit que la requête est manifestement mal fondée, au sens
de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
M.-T. SCHOEPFER J.-C. GEUS
Secrétaire Président
de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre