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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
21.10.1998
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête N° 34366/97

présentée par Société COLAS MIDI MEDITERRANEE

contre la France

__________

La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 21 octobre 1998 en présence de

MM. J.-C. GEUS, Président

M.A. NOWICKI

G. JÖRUNDSSON

A. GÖZÜBÜYÜK

J.-C. SOYER

H. DANELIUS

Mme G.H. THUNE

MM. F. MARTINEZ

I. CABRAL BARRETO

D. ŠVÁBY

P. LORENZEN

E. BIELIŪNAS

E.A. ALKEMA

A. ARABADJIEV

Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ;

Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;

Vu la requête introduite le 3 décembre 1996 par Société COLAS MIDI MEDITERRANEE contre la France et enregistrée le 8 janvier 1997 sous le N° de dossier 34366/97 ;

Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ;

Après avoir délibéré,

Rend la décision suivante :

EN FAIT

La requérante est une société anonyme, sise à Aix-en-Provence. Devant la Commission, elle est représentée par Maître Loraine Donnedieu de Vabres, avocate au barreau de Paris.

Les faits de l'espèce, tels qu'ils ont été exposés par la requérante, peuvent se résumer comme suit.

Première procédure

Par une note du 27 décembre 1984, la commission nationale de la concurrence diligenta une enquête destinée à vérifier les allégations formulées par le syndicat national des entreprises de second oeuvre, ce dernier dénonçant le comportement anticoncurrentiel de certaines grandes entreprises du bâtiment.

Par note en date du 9 octobre 1985, le directeur de la direction nationale des enquêtes décida de procéder à des interventions simultanées auprès d'un échantillon d'entreprises, parmi lesquelles figurait la société requérante. Les objectifs de ces interventions furent ainsi définis : « rechercher si les entreprises de travaux routiers de dimension nationale ne se livrent pas à des pratiques de simulation de concurrence par l'intermédiaire de leurs filiales ou agences locales et rechercher d'une façon générale d'éventuelles preuves de concertation entre les entreprises soumissionnaires des marchés sélectionnés et mentionnés sur les fiches jointes à la présente note ». La société requérante fit l'objet d'une fiche précisant à son égard la liste des marchés concernés par l'enquête.

Le 19 novembre 1985, les enquêteurs intervinrent notamment dans les locaux de la direction régionale de la société S., ainsi que dans les locaux de l'agence de la société V. Des visites domiciliaires auraient également été effectuées dans deux agences de la société requérante : l'agence de Varilhes, en Ariège, et celle de Portet-sur-Garonne, en Haute-Garonne.

Lors des interventions dans un certain nombre de sociétés, les enquêteurs procédèrent à la saisie de divers documents sur le fondement des articles 15 et 16 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, dispositions ne prévoyant aucune autorisation judiciaire.

Ces documents saisis permirent d'établir l'existence d'ententes illicites relatives à certains marchés ne figurant pas sur la liste des marchés concernés par l'enquête.

Par décisions en date des 24 et 25 octobre 1989, publiées au bulletin de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (BOCCRF), le conseil de la concurrence condamna la société requérante, sur le fondement des documents saisis dans les locaux des sociétés S. et V., aux motifs qu'elle avait participé à des concertations anticoncurrentielles à l'occasion de ces derniers marchés. Il lui infligea à ce titre une sanction pécuniaire de douze millions de francs. Cinquante-six entreprises, dont la requérante, formèrent un recours contre cette décision.

Par arrêt du 4 juillet 1990, publié au BOCCRF, la cour d'appel de Paris confirma la décision du conseil de la concurrence. Elle réduisit néanmoins à six millions de francs la sanction infligée à la requérante. Celle-ci se pourvut en cassation.

Par arrêt du 6 octobre 1992, publié au BOCCRF, la cour suprême cassa l'arrêt de la cour d'appel de Paris. Elle renvoya l'affaire devant la cour d'appel de Paris autrement composée.

Le 4 juillet 1994, la cour d'appel de Paris autrement composée, par un arrêt longuement motivé et publié au BOCCRF, condamna la société requérante à une amende de deux millions de francs. La cour d'appel écarta l'argument de la requérante selon lequel ses deux agences, situées en Ariège et en Haute-Garonne, étaient des entités économiques distinctes du siège social, immatriculées individuellement au registre du commerce et des sociétés, seules responsables pour passer des contrats jusqu'à trois et cinq millions de francs, ainsi que pour gérer le personnel local. La cour d'appel fonda sa décision sur les documents découverts au siège des sociétés V., F., SE. et SA sur les déclarations du chef de centre de F., sur les résultats des appels d'offres concernés, ainsi que sur les actes constitutifs de centrales communes d'enrobés. La requérante forma un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 4 juin 1996, publié au BOCCRF, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. En particulier, la Cour de cassation rejeta le moyen fondé sur les articles 6 et 8 de la Convention, moyen qui visait la communication à l'administration, lors des visites domiciliaires, des pièces ayant par la suite servi de fondement à la condamnation de la requérante, aux motifs que les enquêteurs s'étaient fait communiquer les documents sans que l'enquête n'ait donné lieu à « perquisition » ni contrainte.

Seconde procédure

Le 16 décembre 1994, le conseil de la concurrence demanda une enquête relative à des pratiques impliquant plusieurs entreprises dans les secteurs des granulats et du béton prêt à l'emploi dans le département des Bouches-du-Rhône.

Le 11 janvier 1995, la brigade interrégionale d'enquête Provence-Alpes-Côte d'Azur fut chargée de procéder aux investigations demandées par le conseil de la concurrence.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) saisit le président du tribunal de grande instance de Marseille afin d'autoriser ses agents à effectuer des visites et saisies de documents dans les locaux de huit sociétés, dont ceux de la société requérante pour les besoins de l'enquête. A l'appui de sa requête, la DGCCRF fournit une série de pièces.

Par ordonnance du 28 mars 1995, le président du tribunal de grande instance de Marseille accorda cette autorisation après vérification des éléments fondant la demande de l'administration. Le président fixa un délai de six mois pour la présentation des requêtes en contestation de la régularité des opérations de visite et saisie domiciliaires.

Par ordonnance rectificative en date du 11 avril 1995, le président du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence désigna un nouvel officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société requérante, le précédent étant empêché pour raisons de santé.

Le 12 avril 1995, les agents de la DGCCRF, assistés par un officier de police judiciaire, procédèrent, dans les locaux de la société requérante, à une visite ainsi qu'à la saisie de documents. Ces opérations firent l'objet d'un procès-verbal en date du même jour. La requérante ayant reçu, à cette occasion, notification des ordonnances du président du tribunal de grande instance de Marseille en date des 28 mars et 11 avril 1995, décida de se pourvoir en cassation.

La société requérante présenta au président du tribunal de grande instance de Marseille une requête tendant à la communication, par le greffe dudit tribunal, des pièces présentées par l'administration à l'appui de sa demande d'autorisation de visite et de saisie.

Par ordonnance en date du 24 mai 1995, le président du tribunal de grande instance de Marseille rejeta la demande de la société requérante. Cette dernière forma un pourvoi en cassation à l'encontre de cette ordonnance. Elle interjeta également appel de l'ordonnance, étant dans l'incertitude quant à la voie de recours à mettre en oeuvre.

Le 22 janvier 1997, la DGCCRF communiqua finalement les pièces annexées à la demande d'autorisation.

Par arrêt du 1er avril 1997, la Cour de cassation cassa l'ordonnance du 24 mai 1995, aux motifs qu'en jugeant que « les pièces annexées à la demande de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ne pouvaient être consultées par les personnes auxquelles le recours en cassation est ouvert alors que celles-ci, pour exercer cette voie de recours seule offerte par la loi, doivent être en mesure d'apprécier les griefs dont l'ordonnance est susceptible et à cette fin avoir connaissance des pièces sur lesquelles le juge s'est fondé, le président du tribunal a violé le texte susvisé ». La procédure d'appel fit l'objet, dans ces conditions, d'une ordonnance de radiation le 30 mai 1997.

Par arrêt du 24 juin 1997, la Cour de cassation censura partiellement l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Marseille rendue le 28 mars 1995, aux motifs que le président ne pouvait fixer un délai de six mois pour la présentation des requêtes en contestation de la régularité des opérations de visite et saisie domiciliaires.

GRIEFS

1. Concernant la première procédure, la société requérante conteste la faculté pour l'administration des douanes d'exiger de la personne soupçonnée la communication de documents et, partant, des preuves de sa culpabilité. Par ailleurs, elle estime que les documents furent saisis irrégulièrement, mais qu'ils servirent néanmoins de fondement à sa condamnation, en dehors des garanties d'un procès équitable. Concernant la seconde procédure, la société requérante se plaint de l'absence de débat contradictoire devant le juge judiciaire, de la rupture de l'égalité des armes et de la violation des droits de la défense. Elle invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.

2. Concernant la première procédure, la société requérante se plaint des visites domiciliaires qui ont permis de saisir, chez des sociétés tiers, les documents sur lesquels ont été fondés les griefs retenus à son encontre, visites qui auraient été effectuées en dehors de tout contrôle judiciaire et qui auraient porté atteinte au droit au respect de la vie privée et du domicile. Concernant la seconde procédure, la requérante considère que l'absence de débat contradictoire devant le juge judiciaire l'a privée de garanties effectives. Elle invoque l'article 8 de la Convention.

3. Dans le cadre de la seconde procédure, la société requérante estime enfin qu'elle n'a pas bénéficié d'un recours effectif pour se plaindre de l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire et les saisies. Elle invoque l'article 13 de la Convention.

EN DROIT

1. Concernant la première procédure, la société requérante conteste la faculté pour l'administration des douanes d'exiger de la personne soupçonnée la communication de documents et, partant, des preuves de sa culpabilité. Par ailleurs, elle estime que les documents furent saisis irrégulièrement, mais qu'ils servirent néanmoins de fondement à sa condamnation, en dehors des garanties d'un procès équitable. Concernant la seconde procédure, la société requérante se plaint de l'absence de débat contradictoire devant le juge judiciaire, de la rupture de l'égalité des armes et de la violation des droits de la défense. Elle invoque l'article 6 par. 1 de la Convention, lequel dispose notamment :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (..) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

Première procédure

La Commission rappelle que la question de savoir si un procès est conforme aux exigences de l'article 6 s'apprécie sur la base d'un examen de l'ensemble de la procédure et non d'un élément isolé. Elle rappelle également qu'elle n'a pas à se substituer aux juridictions nationales compétentes au premier chef pour juger de l'admissibilité des preuves (voir, notamment, Cour eur. D.H., arrêts Schenk c. Suisse du 12 juillet 1988, série A n° 140, p. 29, par. 46 ; Miailhe N° 2 c. France du 26 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, n° 16, p. 1338, par. 43). Elle doit néanmoins s'assurer que la procédure a revêtu dans son ensemble un caractère équitable, eu égard aux irrégularités éventuellement intervenues avant le renvoi de l'affaire devant les juges du fond en vérifiant, en pareil cas, qu'il a pu y être porté remède devant eux (arrêt Miailhe N° 2 c. France précité).

Tout d'abord, la Commission constate que les faits reprochés à la société requérante se fondent exclusivement sur les documents obtenus lors de visites domiciliaires et saisies litigieuses effectuées dans les locaux d'autres sociétés.

En conséquence, la Commission constate que la société requérante ne peut prétendre avoir été obligée de communiquer des documents qui servirent ensuite de fondement à sa condamnation. Par ailleurs, la Commission ne relève aucun élément de nature à étayer la thèse selon laquelle, au cours des interventions dans les agences de la société requérante, les agents enquêteurs auraient tenté de contraindre les personnes présentes à produire la preuve d'infractions que la société requérante aurait commises. De tels éléments n'apparaissent d'ailleurs pas davantage dans les arguments soutenus par la société requérante devant les juridictions internes.

Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, conformément aux dispositions de l'article 27 par. 2 de la Convention.

Reste à examiner la question de savoir si la procédure relative à l'utilisation des documents saisis, pour fonder la condamnation de la société requérante, a revêtu ou non un caractère équitable.

La Commission relève que la société requérante a, dès la notification des charges retenues contre elle, obtenu communication de l'intégralité du dossier. Elle put ensuite se faire représenter ou assister devant le conseil de la concurrence, avoir connaissance des conclusions du commissaire du Gouvernement avant l'audience et développer son argumentation dans des mémoires écrits et dans le cadre d'observations orales à l'appui de ses écritures. La Commission constate ensuite que la société requérante a bénéficié d'un débat contradictoire devant la cour d'appel de Paris. Puis, ayant exercé son droit de former un pourvoi en cassation, la société requérante a obtenu la cassation de l'arrêt rendu par la cour d'appel. La Commission note que la société requérante a bénéficié d'un nouveau débat contradictoire devant la cour de renvoi, puis d'un nouvel examen de ses moyens fondés en droit devant la Cour de cassation.

En conséquence, la Commission relève que les autorités internes, à savoir le conseil de la concurrence puis les juges judiciaires, ont fondé leurs décisions, décisions au demeurant très motivées, sur les seules pièces versées aux débats et discutées contradictoirement devant elles, assurant ainsi à la requérante un procès équitable. Avec un examen comportant un double degré de juridiction et la possibilité de former un pourvoi en cassation - possibilité utilisée avec succès durant la procédure - la requérante a pu discuter contradictoirement des pièces à charge et des accusations portées contre elle (arrêt Miailhe N° 2 c. France précité, p. 1338, par. 44 et p. 1339, par. 45).

En conséquence, la Commission estime que la procédure, considérée dans son ensemble, a revêtu un caractère équitable.

Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, par application de l'article 27 par. 2 de la Convention.

Seconde procédure

La Commission doit établir, en premier lieu, si l'article 6 est applicable à la procédure litigieuse.

La Commission rappelle que, dans l'affaire Société Stenuit c. France (rapport Comm. 30.5.91, Cour eur. D. H., série A n° 232-A, pp. 15 et s.), elle avait considéré que l'article 6 par. 1 de la Convention était applicable à la sanction pécuniaire infligée à la requérante par le ministre de l'Economie et des Finances, dans le cadre de la réglementation de la concurrence antérieure à l'adoption de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Elle estime toutefois que la procédure visée dans la présente requête se distingue nettement de la situation en cause dans l'affaire Société Stenuit précitée.

La Commission relève que cette procédure se situe à un stade antérieur : il n'appartient pas au juge, saisi dans le cadre de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, de statuer sur le fond de l'affaire, à savoir sur une éventuelle infraction aux dispositions de ladite ordonnance. Le juge a pour seule tâche, après avoir contrôlé les documents produits par l'administration des Impôts, d'autoriser le cas échéant des visites domiciliaires et des saisies. Ce type de procédure est donc à rapprocher d'autres types de procédures de caractère conservatoire, visant l'adoption de mesures provisoires (telles des ordonnances de référé) et ne préjudiciant pas au fond.

La Commission considère en conséquence que, lorsqu'il est fait application de l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, le président du tribunal de grande instance n'est appelé, ni à trancher une contestation portant sur un droit de caractère civil, ni a décider du bien-fondé d'une accusation en matière pénale au sens de l'article 6 par. 1 (voir N° 33009 à 33013/96, Poullain et autres c. France, déc. 10.9.97, non publiée ; et, mutatis mutandis, N° 12446/86, déc. 5.5.88, D.R. 56, pp. 229, 236).

Il s'ensuit que cette partie de la requête est incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 27 par. 2 de la Convention.

2. Concernant la première procédure, la société requérante se plaint des visites domiciliaires qui ont permis de saisir, chez des sociétés tiers, les documents sur lesquels ont été fondés les griefs retenus à son encontre, visites qui auraient été effectuées en dehors de tout contrôle judiciaire et qui auraient porté atteinte au droit au respect de la vie privée et du domicile. Concernant la seconde procédure, la requérante considère que l'absence de débat contradictoire devant le juge judiciaire l'a privée de garanties effectives. Elle invoque l'article 8 de la Convention, selon lequel :

« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »

Première procédure

A titre préalable, la Commission rappelle que le rejet du grief tiré de l'article 6 n'interdit pas d'examiner le grief tiré de l'article 8 de la Convention (cf., mutatis mutandis, Cour eur. D.H., arrêt Miailhe c. France du 25 février 1993, série A n° 56 -C, pp. 87-90, par. 28-40 et Miailhe N° 2 c. France, précité, pp. 1333-1339, par. 33-46).

En l'espèce, la Commission peut légitimement s'interroger sur la qualité de la société requérante à agir : devant la cour d'appel de Paris saisie sur renvoi, la société requérante a soutenu que ses deux agences concernées par l'enquête administrative étaient des entités économiques distinctes du siège social, immatriculées individuellement au registre du commerce et qu'elles étaient seules responsables pour passer des contrats jusqu'à trois et cinq millions de francs, ainsi que pour gérer le personnel local. Si la Commission devait retenir une telle analyse, compte tenu de l'absence de visite domiciliaire au siège de la requérante, cette dernière ne pourrait prétendre avoir la qualité de victime au sens de l'article 25 de la Convention. Néanmoins, la Commission ne juge pas nécessaire de trancher la question, le grief pouvant également être déclaré irrecevable pour un autre motif.

En effet, la Commission relève que le grief de la société requérante ne concerne, au regard de la formule de requête adressée à la Commission, que les « perquisitions qui ont permis de saisir les documents sur lesquels ont été fondés les griefs retenus à [son] encontre ». La Commission relève d'ailleurs que, devant les juridictions internes et notamment dans le cadre du dernier pourvoi en cassation, le moyen fondé sur l'article 8 de la Convention concernait également le problème de la communication des documents ayant fondé la condamnation de la société requérante, dans les locaux des tierces sociétés concernées. Or la Commission, rappelant que les faits reprochés à la société requérante se fondent exclusivement sur les documents obtenus lors de visites domiciliaires et saisies litigieuses effectuées dans les locaux d'autres sociétés, constate que le grief ne peut donc concerner les locaux de la société requérante.

Il s'ensuit que la société requérante ne peut prétendre avoir la qualité de victime au sens de l'article 25 de la Convention, s'agissant d'un grief visant des visites et saisies litigieuses effectuées dans des locaux étrangers aux siens.

Il s'ensuit que le grief doit être rejeté, par application des articles 25 et 27 par. 2 de la Convention.

Seconde procédure

Sur ce point, il ne fait pas de doute pour la Commission que la visite domiciliaire dans les locaux de la société requérante constituait une ingérence dans son droit au respect de sa vie privée et de son domicile, et que ladite ingérence était prévue par la loi, à savoir l'article 48 de l'ordonnance du 1er décembre 1986. La Commission considère en outre que cette ingérence visait un but légitime, à savoir la protection du bien-être économique du pays et la prévention des infractions pénales.

Il convient d'établir si cette ingérence était « nécessaire dans une société démocratique », au sens de l'article 8 par. 2 de la Convention.

La Commission relève tout d'abord que les pièces en possession de l'administration et énumérées dans les ordonnances laissaient présumer des infractions aux dispositions de l'ordonnance du 1er décembre 1986.

En outre, la Commission observe que l'article 48 de l'ordonnance de 1986 énonce un certain nombre de garanties : il prévoit, d'une part, une autorisation judiciaire après vérification, par le juge, des éléments fondant la demande de l'administration. D'autre part, l'ensemble de la procédure de visite et saisie est placée, selon les termes mêmes de l'article 48 précité, sous l'autorité et le contrôle du juge, qui désigne un officier de police judiciaire pour y assister et lui rendre compte, et qui peut à tout moment se rendre lui-même dans les locaux et ordonner la suspension ou l'arrêt de la visite. Par ailleurs, les opérations de visite et saisie sont elles-mêmes enfermées dans un cadre très strict. Enfin, l'ordonnance du juge peut, comme ce fut le cas en l'espèce, faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Dès lors, compte tenu de la marge d'appréciation dont jouissent en la matière les Etats membres, la Commission arrive à la conclusion que l'ingérence dans le droit de la requérante au respect de sa vie privée et de son domicile était strictement proportionnée au but légitime recherché (voir, mutatis mutandis, a contrario, Cour eur. D.H., arrêts Funke, Miailhe et Crémieux c. France du 25 février 1993, série A n° 256-A, B et C ;

N° 33009 à 33013/96, Poullain et autres c. France, précité).

Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé, au sens de l'article 27 par. 2 de la Convention.

3. Dans le cadre de la seconde procédure, la société requérante estime enfin qu'elle n'a pas bénéficié d'un recours effectif pour se plaindre de l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire et les saisies. Elle invoque l'article 13 de la Convention, selon lequel :

« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles. »

La Commission rappelle que le droit reconnu par cette disposition ne peut être exercé que pour un grief défendable au sens de la jurisprudence des organes de la Convention (voir, parmi beaucoup d'autres, N° 17004/90, déc. 19.5.92, D.R. 73, p. 155). En l'espèce, la Commission rappelle qu'elle a décidé que les griefs relatifs à la procédure en cause, et tirés des articles 6 et 8 de la Convention, devaient être déclarés irrecevables.

En tout état de cause, la Commission, qui relève que la société requérante a exercé le recours ouvert devant la Cour de cassation, n'a relevé aucune apparence de violation de la disposition invoquée.

Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé, par application de l'article 27 par. 2 de la Convention.

Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité,

DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.

M.-T. SCHOEPFER J.-C. GEUS

Secrétaire Président

de la Deuxième Chambre de la Deuxième Chambre