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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
4.7.2000
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION PARTIELLE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 36203/97
présentée par Sabri TEMEL et autres
contre la Turquie

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 4 juillet 2000 en une chambre composée de

Mme E. Palm, présidente,
Mme W. Thomassen,
M. Gaukur Jörundsson,
M. R. Türmen,
M. C. Bîrsan,
M. J. Casadevall,
M. R. Maruste, juges,

et de M. M. O’Boyle, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 14 avril 1997 et enregistrée le 23 mai 1997,

Vu l’article 5 § 2 du Protocole n° 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Les requérants, Sabri Temel, Mehmet Selim Acar, Mehmet Ali Aydin, Mahsun Demir, Mehmet Faruk Altındağ, Ferit Çiftçi et Ramazan Şakar sont des ressortissants turcs respectivement nés en 1972, 1965, 1967, 1966, 1962, 1956, 1966. Dans la procédure devant la Cour, ils sont représentés par Me Mustafa İşrti, avocat au barreau d’Izmir.

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les requérants, peuvent se résumer comme suit.

Les agents de police de la section antiterrorisme de la direction de sûreté d'Izmir arrêtèrent les six premiers requérants le 27 novembre 1996 et le dernier le 30 novembre 1996 et les placèrent en garde à vue. Il leur fut reproché d’avoir participé à des activités illégales du PKK.

Le 9 décembre 1996, les requérants furent traduits devant le juge assesseur près la cour de sûreté de l'Etat d'Izmir qui ordonna leur mise en détention provisoire.

Par acte d'accusation du 7 janvier 1997, le procureur de la République près la cour de sûreté de l'Etat reprocha aux requérants d'avoir participé aux activités illégales du PKK et de porter aide et soutien à ladite organisation. Les faits reprochés enfreignaient l'article 125 du code pénal turc, interdisant tout acte portant atteinte à l'intégrité territoriale de l'Etat ainsi que les articles 168 et 169 du code pénal turc, réprimant la formation des bandes armées pouvant commettre des délits contre l'Etat et les pouvoirs publics.

Le 29 décembre 1997, ladite cour condamna les requérants Mehmet Ali Aydın, Ramazan Şakar, Sabri Temel et Mahsun Demir à trois ans et neuf mois d'emprisonnement et à l'interdiction d'exercer des fonctions publiques pour un délai de trois ans. Elle condamna Mehmet Selim Acar à douze ans et six mois d'emprisonnement et acquitta les deux requérants Mehmet Faruk Altındağ et Ferit Çiftçi.

La cour de sûreté de l’Etat entendit des témoins et procéda à leurs confrontations avec les requérants. Se fondant sur les aveux des requérants lors de leur garde à vue et leur interrogatoire devant le procureur de la République et le juge assesseur, ainsi que les identifications des autres coaccusés et les dépositions des témoins, la cour constata que les requérants, ayant rançonné des villageois, organisé des réunions, abrité des membres du PKK à leur domicile, fait la propagande de ladite organisation illégale et encaissé des fonds en son nom, avaient participé aux actes du PKK et porté aide et soutien à l’organisation.

Après avoir tenu une audience le 4 mars 1999, la Cour de cassation cassa le jugement de première instance concernant le premier requérant pour absence de preuves suffisantes et confirma le jugement quant aux autres requérants.

La procédure est toujours pendante à l'encontre du premier requérant.

GRIEFS

Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée excessive de leur garde à vue.

Se fondant sur les mêmes faits et invoquant l'article 6 de la Convention combiné avec son article 14, les requérants allèguent que la législation turque entraîne une discrimination entre les droits des personnes gardées à vue dans la procédure devant les cours de sûreté de l'Etat et ceux devant les juridictions pénales ordinaires. Ils exposent que, selon l'article 30 de la loi n° 3842, lorsqu'il s'agit d'une infraction qui relève de la compétence des cours de sûreté de l'Etat, comme dans le cas d'espèce, la garde à vue peut être prolongée jusqu'à quinze jours au contraire du délai maximum, en l'occurrence quatre jours, prévu par le code de procédure pénale.

Les requérants se plaignent en outre d'une atteinte à leur droit à un procès équitable dans la mesure où ils n'auraient pas bénéficié de l'assistance d'un avocat lors de leur garde à vue et des facilités nécessaires pour la préparation de leur défense. Ils invoquent à cet égard l'article 6 de la Convention.

EN DROIT

1. Invoquant l’article 5 § 3 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée excessive de leur garde à vue.

En l’état actuel du dossier, la Cour n’estime pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief tel qu’exposé par la partie requérante et juge nécessaire de le porter à la connaissance du gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 3 b) de son règlement.

2. Se fondant sur les mêmes faits et invoquant l'article 6 de la Convention combiné avec son article 14, les requérants allèguent enfin que la législation turque entraîne une discrimination entre les droits des personnes gardées à vue dans la procédure devant les cours de sûreté de l'Etat et ceux devant les juridictions pénales ordinaires. Ils exposent que, selon l'article 30 de la loi n° 3842, lorsqu'il s'agit d'une infraction qui relève de la compétence des cours de sûreté de l'Etat, comme dans le cas d'espèce, la garde à vue peut être prolongée jusqu'à quinze jours au contraire du délai maximum, en l’occurrence quatre jours, prévu par le code de procédure pénale.

La Cour examinera ce grief sous l’angle de l’article 14 combiné avec l’article 5 § 3 de la Convention.

La Cour relève à cet égard qu’elle a déjà eu à connaître de doléances similaires qu’elle n’a pas retenues, concluant à l’absence d’un élément quelconque de nature à la conduire à dire qu’il y avait eu en l’occurrence une « discrimination » contraire à la Convention ; dans la présente affaire également, la distinction litigieuse, résultant de la loi, ne s'appliquait pas à différents groupes de personnes mais à différents types d'infractions, selon la gravité que leur reconnaissait le législateur (voir, entre autres, requête n° 31723/96, déc. 24.8.99, non publiée, et, mutatis mutandis, arrêt Gerger c. Turquie [GC], n° 24919/94, § 69, CEDH 1999.

La Cour estime donc que le grief tiré d’une violation de l'article 14, combiné avec l'article 5 § 3 de la Convention, doit être déclaré irrecevable pour défaut manifeste de fondement en application de l’article 35 § 3 de la Convention.

3. Les requérants se plaignent en outre d'une atteinte à leur droit à un procès équitable dans la mesure où ils n'auraient pas bénéficié de l'assistance d'un avocat lors de leur garde à vue et des facilités nécessaires pour la préparation de leur défense. Ils invoquent à cet égard l'article 6 de la Convention.

La Cour examinera ce grief au regard de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention.

La Cour relève que la procédure entamée à l'encontre de Sabri Temel est toujours pendante devant les instances judiciaires. Il s’ensuit qu’au stade actuel de la procédure devant les juridictions internes, la présentation de ce grief apparaît prématurée. Cet aspect de la requête doit être rejeté comme manifestement mal fondé en application de l’article 35 § 3 de la Convention.

Quant aux requérants Mehmet Faruk Altındağ et Ferit Ciftci, la Cour rappelle que la relaxe d'un accusé à l'issue de la procédure pénale dont il a fait l'objet et l'abandon des poursuites pénales déclenchées contre lui constituent un redressement des violations qui auraient été commises au cours de son procès (voir entre autres, requête n° 21649/93, déc. 8.9.93, D.R. 75, p. 257). Ainsi, en l'espèce, lesdits requérants ont été acquittés par la première instance. Dès lors, ils ne sauraient se prétendre victimes des violations qu'ils allèguent quant à la conformité de la procédure aux prescriptions de l'article 6 de la Convention.

Quant aux autres requérants, Mehmet Selim Acar, Mehmet Ali Aydın, Mahsun Demir, Ramazan Şakar, la Cour rappelle que certes, l’article 6 a pour finalité principale, au pénal, d’assurer un procès équitable devant un « tribunal » compétent pour décider « du bien fondé de l’accusation » mais il n’en résulte pas qu’il se désintéresse des phases qui se déroulent avant la procédure de jugement. Le droit énoncé au paragraphe 3 c) de l’article 6 constitue un élément, parmi d’autres, de la notion de procès équitable en matière pénale, contenue au paragraphe 1. (voir arrêt Imbrioscia c. Suisse du 24 novembre 1993, série A n° 275, p. 13, §§ 36-37). S’il reconnaît à tout accusé le droit de « se défendre lui-même ou par l’intermédiaire d’un défenseur (…) », l’article 6 § 3 c) n’en précise pas les conditions d’exercice. Il laisse ainsi aux Etats contractants le choix des moyens propres à permettre à leur système judiciaire de le garantir ; la tâche de la Cour consiste à rechercher si la voie qu’ils ont empruntée cadre avec les exigences d’un procès équitable (arrêt Quaranta c. Suisse du 24 mai 1991, série A n° 205, p. 16, § 30). La Cour souligne aussi que les modalités d’application de l’article 6 §§ 1 et 3 c) durant l’instruction dépendent des particularités de la procédure et des circonstances de la cause ; pour savoir si le résultat voulu pas l’article 6 - un procès équitable - a été atteint, il échet de prendre en compte l’ensemble des procédures internes dans l’affaire considérée (arrêt Imbrioscia précité, p. 14, § 38).

La Cour relève que la cour de sûreté de l’Etat a entendu des témoins et procédé à leur confrontation avec les requérants. Se fondant sur les aveux des requérants lors de leur garde à vue et leur interrogatoire devant le procureur de la République et le juge assesseur, ainsi que les identifications des autres coaccusés et les dépositions des témoins, les juges ont constaté que les requérants, ayant rançonné des villageois, organisé des réunions, abrité des membres du PKK à leur domicile, fait la propagande de ladite organisation et encaissé des fonds en son nom, avaient participé aux actes du PKK et porté aide et soutien à l’organisation. En outre, la Cour de cassation a tenu une audience et les requérants ont eu tout loisir de combattre les conclusions de la première instance.

Ainsi, au vu des éléments du dossier et de l’examen global de la procédure, la Cour estime que les requérants Mehmet Selim Acar, Mehmet Ali Aydın, Mahsun Demir, Ramazan Şakar n’ont pas été privé d’un procès équitable. Dans ces circonstances, l’examen de ce grief, tel qu’il a été soulevé par les requérants, ne permet de déceler aucune apparence de violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

AJOURNE l’examen du grief des requérants tiré de l’article 5 § 3 de la Convention concernant la durée excessive de leur garde à vue ;

DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE pour le surplus, à savoir les griefs des requérants tirés de l’article 14 de la Convention combiné avec son article 5 § 3 et de son article 6 §§ 1 et 3 c).

Michael O’Boyle Elisabeth Palm
Greffier Présidente