Přehled
Rozhodnutí
PREMIÈRE SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 46388/99
présentée par Bilal BOZKURT, Izzettin CEYLAN, Metin YAVUZ et Mehmet Salih KARAKAŞ
contre Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (Première section), siégeant le 28 novembre 2000 en une chambre composée de
Mmes E. Palm, présidente,
W. Thomassen,
MM. Gaukur Jörundsson,
R. Türmen,
C. Bîrsan,
J. Casadevall,
R. Maruste, juges,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite devant la Commission européenne des Droits de l’Homme le 10 septembre 1998 et enregistrée le 25 février 1999,
Vu l’article 5 § 2 du Protocole n° 11 à la Convention, qui a transféré à la Cour la compétence pour examiner la requête,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants, MM. Bozkurt, Ceylan, Yavuz et Karakaş sont des ressortissants turcs nés respectivement en 1974, en 1973, en 1977, et en 1964. A l’époque des faits, M. Bozkurt était chauffeur, MM. Ceylan et Karakaş, ouvriers, et M. Yavuz, demandeur de travail. Le premier requérant résidait à İçel et les trois autres à İzmir. Devant la Cour ils sont représentés par Me Mustafa İşeri, avocat au barreau d’İzmir.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par la partie requérante, peuvent se résumer comme suit.
Le 4 juillet 1996, les requérants furent arrêtés et placés en garde à vue dans les locaux de la Section anti-terrorisme de la Direction de sûreté d’İzmir.
Par un acte d’accusation du 12 juillet 1996, le procureur de la République près la Cour de sûreté de l’Etat d’İzmir (« le procureur » – « la cour de sûreté de l’Etat ») inculpa les requérants pour appartenance à l’organisation illégale, PKK.
Le 25 mars 1997, la cour de sûreté de l’Etat déclara les requérants coupables des faits reprochés. Elle condamna M. Bozkurt à vingt et un ans d’emprisonnement, M. Ceylan, à douze ans et six mois, et MM. Yavuz et Karakaş, à trois ans et neuf mois chacun.
Les requérants se pourvurent contre ce jugement.
Par un arrêt, prononcé le 21 janvier 1998 et rendu public le 28 janvier, la Cour de cassation confirma le jugement attaqué. Le 11 mars 1998, l’arrêt mis au net fut versé au dossier du greffe de la cour de sûreté de l'État.
GRIEFS
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants soutiennent que la cour de sûreté de l’Etat d’İzmir qui les a jugé ne saurait passer pour un tribunal indépendant et impartial, dès lors que l’un des trois juges qui y siégeaient était un officier de l'armée. Ils se plaignent également de l’iniquité de la procédure devant cette juridiction, affirmant notamment que leur condamnation avait été fondée sur le contenu des déclarations extorquées lors de la garde à vue et en l’absence de l’assistance d’un avocat.
Quant à cette procédure, les requérants invoquent aussi, en substance, l’article 6 § 3 d) et soutiennent n’avoir pas eu la possibilité d’interroger les témoins à charge, pareil moyen n’étant pas prévu en droit pénal turc.
D’après les requérants, la procédure devant la Cour de cassation ne pouvait, elle non plus, passer pour équitable, dès lors que l’avis du procureur général quant à au fond de leur pourvoi ne leur a pas été communiqué, ce en violation des principes de l’égalité des armes et du contradictoire.
Toujours sur le terrain de l’article 6 § 1, les requérants dénoncent en outre la durée excessive de leur procédure, qui a débuté le 4 juillet 1996 et, prit fin, le 21 janvier 1998.
Les requérants se plaignent en dernier lieu d’une violation de l’article 14 de la Convention, en connexion avec l’article 6, et critiquent la distinction que la législation turque opérait, à l’époque pertinente, au sujet notamment de l’exercice des droits de défense, selon que le délit relève ou non de la compétence des cours de sûreté de l’Etat.
EN DROIT
La Cour a examiné les griefs présentés par les requérants. Cependant, en l’état du dossier de l’affaire, elle estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité des griefs formulés sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention, en ce qui concerne l’impartialité et l’indépendance de la cour de sûreté de l’Etat d’İzmir, la privation de l’assistance d’un avocat lors de la garde à vue et la non communication de l’avis du procureur général quant au pourvoi formé par les requérants ; elle juge donc nécessaire de porter ces griefs à la connaissance du Gouvernement défendeur, en application de l’article 54 § 3 b) de son Règlement.
Quant au grief présenté au regard de l’article 6 § 1 de la Convention, pris isolément ou en connexion avec l’article 14, et quant à celui tiré, en substance, de l’article 6 § 3 d), la Cour constate que les requérants ont été informés des obstacles éventuels à la recevabilité de ces allégations. Compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, et dans la mesure où elle est compétente pour connaître de celles-ci, la Cour relève aucun apparence de violation des droits et libertés garantis par la Convention. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 § 4.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
AJOURNE l’examen des griefs que les requérants soulèvent sur le terrain de l’article 6 § 1 de la Convention, relativement à l’indépendance et l’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat d’İzmir, à l’impossibilité pour eux de contacter un avocat pendant leur garde à vue et au non respect des principes de l’égalité des armes et du contradictoire dans la procédure devant la Cour de cassation ;
DÉCLARE LA REQUÊTE IRRECEVABLE pour le surplus.
Michael O’Boyle Elisabeth Palm
Greffier Présidente