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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
16.11.2000
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

QUATRIÈME SECTION

AFFAIRE IL MESSAGGERO S.A.S. c. ITALIE (n° 2)

(Requête n° 46516/99)

ARRÊT

STRASBOURG

16 novembre 2000

DÉFINITIF

16/02/2001

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive.


En l’affaire Il Messaggero S.a.s. c. Italie (n° 2),

La Cour européenne des Droits de l’Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :

M. G. Ress, président,
M. A. Pastor Ridruejo,
M. B. Conforti,
M. L. Caflisch,
M. V. Butkevych,
Mme N. Vajić,
M. J. Hedigan, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section ;

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 26 octobre 2000,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République italienne et dont une société italienne, Il Messaggero S.a.s. di Debora Iorillo (« la requérante »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme le 25 août 1997 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 4 mars 1999 sous le numéro de dossier 46516/99. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito.

2. La Cour a déclaré la requête recevable le 6 janvier 2000.

EN FAIT

3. Le 9 décembre 1993, la requérante sollicita du président du tribunal de Latina une injonction de payer 8 925 000 lires italiennes, plus les intérêts, à l’encontre de M. F. Le président fit droit à sa demande par une ordonnance du 15 décembre 1993, déposée au greffe le 15 décembre 1993 et notifiée à M. F. le 17 janvier 1994.

4. Le 7 février 1994, ce dernier fit opposition devant la même juridiction. La mise en état de l’affaire commença le 12 avril 1994. A cette date, le juge de la mise en état rejeta la demande de la requérante tendant à l’exécution provisoire de l’injonction et fit droit à la demande de M. F. relative à la mise en cause de M. R. L’audience du 28 mars 1995 fut reportée d’office au 22 février 1996. Le jour venu, M. R. fut déclaré défaillant et le juge rejeta une nouvelle demande d’exécution provisoire de l’injonction. Le 19 décembre 1996, l’audience fut reportée à la demande de M. F. Le 12 juin 1997, l’audience fut reportée d’office à deux reprises jusqu’au 21 mai 1998. Le juge renvoya cette dernière audience au 24 novembre 1998, car la date de l’audience du 21 mai 1998 n’avait pas été communiquée aux parties. La loi concernant les sezioni stralcio étant entrée en vigueur, le président du tribunal attribua l'affaire au collège de magistrats chargé de traiter les affaires les plus anciennes (sezione stralcio). Selon les informations fournies par la requérante le 24 août 1999, la procédure était encore pendante à cette date.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

5. La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »

6. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

7. La période à considérer a débuté le 7 février 1994 et était encore pendante au 24 août 1999.

8. Elle avait à cette date déjà duré plus de cinq ans et six mois pour une instance.

9. La Cour rappelle avoir constaté dans de nombreux arrêts (voir, par exemple, Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V) l’existence en Italie d’une pratique contraire à la Convention résultant d’une accumulation de manquements à l’exigence du « délai raisonnable ». Dans la mesure où la Cour constate un tel manquement, cette accumulation constitue une circonstance aggravante de la violation de l’article 6 § 1.

10. Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » et qu’il y a là encore une manifestation de la pratique précitée.

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

II. Sur l’application de l’article 41 DE LA Convention

11. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage, frais et dépens

12. La requérante réclame globalement 35 000 000 lires italiennes (ITL) au titre de tous les dommages qu'elle aurait subis.

13. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande. En revanche, la Cour considère qu’il y a lieu d'octroyer à la requérante 5 000 000 ITL au titre du préjudice moral.

14. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi précité, § 30). En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens de la procédure nationale, et estime raisonnable la somme de 1 000 000 ITL pour la procédure devant la Cour et l’accorde à la requérante.

B. Intérêts moratoires

15. Selon les informations dont dispose la Cour, le taux dintérêt légal applicable en Italie à la date dadoption du présent arrêt était de 2,5 % lan.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

2. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt est devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 5 000 000 (cinq millions) lires italiennes pour dommage moral et 1 000 000 (un million) lires italiennes pour frais et dépens ;

b) que ces montants seront à majorer dun intérêt simple de 2,5 % lan à compter de lexpiration de ce délai et jusquau versement ;

3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 16 novembre 2000, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Vincent Berger Georg Ress
Greffier Président