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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
21.11.2000
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

PREMIÈRE SECTION

AFFAIRE CATALANO c. ITALIE

(Requête n° 46510/99)

ARRÊT

STRASBOURG

21 novembre 2000

DÉFINITIF

21/02/2001

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme avant la parution de sa version définitive.


En l’affaire Catalano c. Italie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant en une chambre composée de :

Mme E. Palm, présidente,
M. B. Conforti,
M. L. Ferrari Bravo,
M. Gaukur Jörundsson,
M. R. Türmen,
M. B. Zupančič,
M. T. Panţîru, juges,
et de M. M. O’Boyle, greffier de section ;

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 24 octobre 2000,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête dirigée contre la République italienne et dont une ressortissante italienne, Mme Maria Catalano (« la requérante »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme le 9 novembre 1994 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »). La requête a été enregistrée le 4 mars 1999 sous le numéro de dossier 46510/99. La requérante est représentée par Me M. Santambrogio, avocat à Rosarno (Reggio de Calabre). Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et par son coagent, M. V. Esposito.

2. La Cour a déclaré la requête recevable le 14 décembre 1999.

EN FAIT

3. Le 10 novembre 1972, la requérante assigna MM. D. G. et A. G. devant le tribunal de Reggio de Calabre afin d’obtenir l’exécution de travaux dans un immeuble, en vertu d’un contrat de construction, ainsi que la réparation des dommages subis.

4. Avant le 1er août 1973, quatre audiences eurent lieu. Le 22 octobre 1973, l’audience fut reportée d’office au 13 mai 1976. Le jour venu, la requérante demanda la nomination d’un expert. Des neuf audiences fixées entre le 28 octobre 1976 et le 13 février 1978, une concerna le dépôt de documents, une fut reportée d’office, deux le furent à la demande de la partie défenderesse et cinq à la demande des parties. Le 15 mai 1978, la requérante demanda l’audition des défendeurs et le juge de la mise en état réserva sa décision. Des vingt-six audiences fixées entre le 16 octobre 1978 et le 17 novembre 1986, huit furent reportées d’office, douze le furent à la demande des parties, une en raison de l’absence de l’un des défendeurs, deux en raison de l’absence de la requérante et une à la demande des défendeurs, avec opposition de la requérante.

5. Le 27 février 1987, la requérante demanda la nomination d’un expert et le juge de la mise en état reporta l’affaire au 16 novembre 1987. Cette dernière audience fut renvoyée d’office au 23 février 1989, puis reportée à la demande des parties au 8 février 1990.

6. Cette audience ne se tint pas, car entre-temps, à une date non précisée, la requérante avait déposé au greffe une demande afin d’obtenir une saisie des biens des défendeurs. Une audience fut fixée dans la même procédure au 23 novembre 1989. A cette date, eut lieu la mise en cause de M. S. et l’affaire fut reportée au 18 janvier 1990. Le jour venu, l’audience fut renvoyée d’office au 22 novembre 1990, puis au 24 octobre 1991, à la demande des défendeurs. A cette dernière date, la requérante étant absente, la partie adverse sollicita le constat de son manque d’intérêt dans l’affaire.

7. Les parties furent absentes aux audiences du 15 octobre 1992 et du 7 octobre 1993. L’audience fixée au 24 février 1994 fut reportée d’office. Par une ordonnance hors audience du 29 juillet 1994, le président du tribunal fixa une audience au 9 août 1994, suite à la mutation du juge de la mise en état. Cette audience fut reportée d’office au 12 août 1994. Les trois audiences qui se tinrent entre cette dernière date et le 9 septembre 1994 furent renvoyées car la date de l’audience n’avait pas été communiquée aux parties. A une date non précisée, la femme de M. G. - entre-temps décédé - se constitua dans la procédure en tant qu’héritière. Le 29 septembre 1994, l’audience fut reportée d’office à cause de la mutation du juge. L’audience du 19 février 1996 fut renvoyée car les parties étaient absentes, celle du 10 juin 1996 le fut à la demande des parties et celle du 25 novembre 1996 de nouveau en raison de l’absence des parties. L’audience fixée au 17 mars 1997 fut reportée d’office à deux reprises, jusqu’au 26 juin 1997. Les audiences du 2 février 1998 et du 15 mai 1998 furent renvoyées à la demande des parties.

8. Le 26 octobre 1998, le juge déclara l’interruption de la procédure en raison de la mort de l’avocat des parties défenderesses. La requérante n’a pas indiqué que la procédure ait été reprise dans le délai de six mois assigné à cette fin par le juge.

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

9. La requérante allègue que la durée de la procédure a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (…) qui décidera (…) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (…) »

10. Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

11. La période à considérer a débuté le 10 novembre 1972 et s'est terminée le 26 octobre 1998.

12. Elle a donc duré plus de vingt-cinq ans et onze mois, pour une instance.

Toutefois, la période à considérer ne commence qu'avec la prise d'effet, le 1er août 1973, de la reconnaissance du droit de recours individuel par l'Italie, et elle est donc de plus de vingt-cinq ans et deux mois, pour une instance.

13. La Cour rappelle avoir constaté dans de nombreux arrêts (voir, par exemple, Bottazzi c. Italie [GC], n° 34884/97, § 22, CEDH 1999-V) l’existence en Italie d’une pratique contraire à la Convention résultant d’une accumulation de manquements à l’exigence du « délai raisonnable ». Dans la mesure où la Cour constate un tel manquement, cette accumulation constitue une circonstance aggravante de la violation de l’article 6 § 1.

14. Ayant examiné les faits de la cause à la lumière des arguments des parties et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que la durée de la procédure litigieuse ne répond pas à l’exigence du « délai raisonnable » et qu’il y a là encore une manifestation de la pratique précitée.

Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1.

II. Sur l’application de l’article 41 DE LA Convention

15. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage

16. La requérante réclame 80 000 000 lires italiennes (ITL) au titre du préjudice matériel et 30 000 000 au titre du préjudice moral qu'elle aurait subis.

17. La Cour estime qu’il n’y a en l’espèce aucun lien de causalité entre la violation constatée et le préjudice matériel allégué. Elle rejette cette partie de la demande. En revanche, la Cour considère qu’il y a lieu d'octroyer à la requérante 30 000 000 ITL au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

18. La requérante demande également 7 000 000 ITL pour les frais et dépens encourus devant la Cour.

19. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (voir, par exemple, l’arrêt Bottazzi précité, § 30). En l’espèce et compte tenu des éléments en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable la somme de 4 000 000 ITL pour la procédure devant la Cour et l’accorde à la requérante.

C. Intérêts moratoires

20. Selon les informations dont dispose la Cour, le taux dintérêt légal applicable en Italie à la date dadoption du présent arrêt était de 2,5 % lan.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

2. Dit

a) que l’Etat défendeur doit verser à la requérante, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt est devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 30 000 000 (trente millions) lires italiennes pour dommage moral et 4 000 000 (quatre millions) lires italiennes pour frais et dépens ;

b) que ces montants seront à majorer dun intérêt simple de 2,5 % lan à compter de lexpiration de ce délai et jusquau versement ;


3. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 21 novembre 2000, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Michael O’Boyle Elisabeth Palm
Greffier Présidente