Přehled

Rozhodnutí

PREMIÈRE SECTION

DÉCISION FINALE

SUR LA RECEVABILITÉ

de la requête n° 53426/99
présentée par Marcel FELDMAN
contre la France

La Cour européenne des Droits de l’Homme (première section), siégeant le 6 juin 2002 en une chambre composée de

M. C.L. Rozakis, président,
Mme F. Tulkens,
MM. J.-P. Costa
P. Lorenzen,
E. Levits,
A. Kovler,
Mme E. Steiner, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section,

Vu la requête susmentionnée introduite le 29 novembre 1999 et enregistrée le 15 décembre 1999,

Vu la décision partielle de l’ancienne deuxième section du 13 septembre 2001,

Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant,

Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :


EN FAIT

Le requérant, M. Marcel Feldman, est un ressortissant français, né en 1937 et résidant à Paris. Il est représenté devant la Cour par Me E. Piwnica et Me J. Molinie, avocats à Paris.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.

En avril 1989, M. L. Y. acquit la société Housse Avia qui fabriquait des housses et des garnitures pour véhicules. En 1992, alors qu’il prenait part à un tour de table d’associés pour reprendre la société en liquidation, M. L. Y. rencontra le requérant, avocat à la cour de Paris, alors conseil du bailleur de fonds. En 1993, M. L. Y. prit ce dernier pour avocat.

Le 6 avril 1993, la société Housse Avia déposa son bilan. Le 15 avril, alors que le passif de la société s’élevait à 36 millions de francs, le tribunal de commerce de Nanterre ouvrit une procédure de redressement judiciaire et désigna Me A. en qualité d’administrateur judiciaire et Me B. comme représentant des créanciers. Le tribunal prononça une période d’observation de trois mois allant jusqu’au 15 juillet.

Le 4 juillet, le requérant était dessaisi du dossier et M. L. Y. présenta personnellement la requête aux fins de prolongation de la période d’observation jusqu’au 15 octobre 1993. Un plan de redressement par cession à la société Eca fut arrêté par jugement du tribunal du 12 octobre 1993.

En 1994, une enquête fut ouvernte car Me A. aurait reçu par l’intermédiaire du requérant une somme de la part de M. L. Y. s’élevant à 500 000 francs afin que le redressement judiciaire « se passe bien ». L’enquête de police amena le procureur de la République à ouvrir une information judiciaire, le 2 juillet 1994. Le requérant fut dès lors mis en examen. Le même jour, par ordonnance du juge d’instruction du tribunal de grande instance de Nanterre, il fut placé sous un contrôle judiciaire qui lui interdisait de quitter le territoire national et l’obligeait à pointer chaque semaine à Nanterre.

Par ordonnance du 9 février 1995, le juge d’instruction dit que le requérant ne pouvait exercer sa profession d’avocat devant le tribunal de commerce de Nanterre, non plus qu’à l’occasion de procédures de redressement ou de liquidation judiciaire d’entreprises en difficultés.

Par réquisitoire définitif du 24 juillet 1996, le procureur de la république près le tribunal de grande instance de Nanterre requit la requalification des faits reprochés au requérant sous la qualification de corruption passive en délit de complicité des faits de corruption passive commis par Me A.

Par ordonnance du 29 juillet 1996, le juge d’instruction ordonna le maintien du requérant sous contrôle judiciaire jusqu’à sa comparution devant le tribunal et le renvoya devant le tribunal correctionnel. Elle considéra qu’il résultait de l’information des charges suffisantes contre lui, c’est à dire de « s’être à Bagneux, Paris et La Défense et sur le territoire national, courant avril à août 1993 et depuis un temps non couvert par la prescription, rendu complice des délits de corruption passive commis entre avril et août 1993 par Me A., au préjudice de M. L. Y., représentant la société Housse Avia, et au préjudice de M. L. et M. H., représentants de la société Peppers, par aide et assistance sciemment fournies à Me A. dans la préparation ou la consommation de l’infraction, soit en ayant été son porte-parole auprès des victimes et ayant perçu la somme de 200 000 francs, faits prévus et réprimés par les articles 121-6, 121-7, 432-11 et 432-17 du code pénal ». Selon le requérant, ces accusations reposaient exclusivement sur les déclarations de M. L. Y. avec lequel le requérant ne devait jamais être confronté au cours de l’information. Selon le gouvernement, ces accusations reposaient certes sur les déclarations de M. L. Y., mais également sur d’autres témoins directs et indirects.

Par jugement du 26 février 1997, le tribunal de grande instance de Nanterre, après avoir expressément constaté qu’il n’était pas établi qu’un pacte de corruption eut existé, déclara Me A. (l’auteur principal de l’infraction) non coupable et le relaxa des fins de la poursuite. En revanche, quant à la constante matérialité des faits qui étaient reprochés au requérant, le tribunal requalifia en escroquerie et tentative d’escroquerie les faits qui lui étaient reprochés sous la qualification de complicité de corruption passive, le déclara coupable de ces délits, le condamna à deux ans d’emprisonnement avec sursis et une amende de 100 000 francs et prononça à son encontre la privation pour une durée de trois ans de tous ses droits civiques, civils et de famille. Plus précisément, le tribunal affirma que «dès lors que les délits de corruption passive ne sont pas établis à l’encontre de Me A., les faits reprochés [au requérant] sous la qualification de complicité de corruption doivent s’analyser en une escroquerie et tentative d’escroquerie. Il est constant, en effet, que [celui-ci] s’est fait remettre une somme (...) en employant des manoeuvres frauduleuses pour faire naître l’espérance d’un succès».

Le requérant interjeta appel du jugement devant la cour d’appel de Versailles. Il déclara expressément ne pas comparaître devant elle sur les qualifications retenues en violation de ses droits par les premiers juges.

Le 19 mars 1998, la cour d’appel de Versailles confirma le jugement entrepris en ce qu’il avait déclaré le requérant coupable d’escroquerie et de tentative d’escroquerie à l’égard de M. L. Y. et de la société Peppers et en ce qu’il l’avait condamné à la peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis et à l’interdiction des droits civiques, civils et de famille pendant trois ans. La cour d’appel réforma l’arrêt pour le surplus. Plus précisément, la cour d’appel conclut ainsi : « Considérant en effet que la qualité d’avocat de Marcel Feldman et donc sa connaissance présumée des procédures judiciaires, étaient de nature à imprimer à des allégations en définitive mensongères l’apparence de la sincerité et à convaincre [M.L.Y.], alors déstabilisé par son affaire, (...) de la nécessité de corrompre l’administrateur judiciaire pour obtenir de la juridiction commerciale des décisions favorables. (...). En dépit des affirmations contraires de la défense, cette requalification n’est pas incompatible avec les exigences d’un procès équitable, [le requérant] ayant pu s’expliquer durant toute l’information sur l’ensemble des éléments nécessaires à caractériser ces infractions. »

Le requérant se pourvut en cassation. Dans son mémoire ampliatif, il rappelait que la comparution volontaire, qui permettait aux juridictions correctionnelles d’élargir leur saisine telle qu’elle résultait de l’ordonnance de renvoi ou de la citation, s’entendait de la comparution volontaire du prévenu devant la juridiction de jugement et non au stade de l’information et que, dès lors, en faisant état de ce que le requérant aurait pu s’expliquer « durant toute l’information » sur l’ensemble des éléments nécessaires à caractériser les infractions d’escroquerie et de tentative d’escroquerie, la cour d’appel avait violé par fausse application les dispositions de l’article 388 du code de procédure pénale.

Le 30 juin 1999, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant, qui invoquait expressément la violation des dispositions de la Convention européenne. La Cour de cassation cassa l’arrêt de la Cour d’Appel de Versailles par voie de retranchement en ce qu’il avait condamné le requérant à l’interdiction pendant trois ans de représenter ou d’assister une partie devant la justice car une telle interdiction ne pouvait être ordonnée à l’époque de la commission des faits. La Cour de cassation releva : « Pour requalifier en escroquerie et tentative les faits initialement poursuivis sous les chefs de corruption active et passive, la cour d’appel se détermine par les motifs repris aux moyens. En cet état, l’arrêt n’encourt pas les griefs allégués dès lors que, la requalification ayant été prononcée par les premiers juges, [le requérant] avait la faculté de la discuter devant la cour d’appel ».

B. Le droit interne pertinent

L’article 388 du code de procédure pénale dispose :

« Le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence soit par la comparution volontaire des parties, soit par la citation, soit par la convocation par procès verbal, soit par la comparution immédiate, soit enfin par le renvoi ordonné par la juridiction d’instruction. »

Selon la jurisprudence, le tribunal correctionnel peut changer la qualification des faits poursuivis, à la condition d’être saisi par le titre initial de la poursuite de tous les éléments de fait du délit qu’il s’agit de substituer à celui qui était poursuivi. Le juge n’est pas lié par la qualification donnée à la prévention et il a non seulement le droit, mais le devoir de caractériser les faits qui lui sont déférés et d’y appliquer la loi pénale, conformément aux résultats de l’instruction faite à l’audience.

Le droit de modifier la qualification légale du fait appartient aussi bien aux juges d’appel qu’au tribunal correctionnel. Mais c’est à la même condition de ne rien changer au fait tel qu’il est dénoncé dans les actes de la procédure, et de ne pas statuer sur d’autres faits non compris dans la prévention. Les juges ne peuvent, au prétexte de cette requalification, ajouter des incriminations non visées à la prévention en ce qu’elle concerne l’un des prévenus, sans que, au préalable, l’intéressé ait expressément accepté d’être jugé de ce chef complémentaire.

GRIEFS

Invoquant l’article 6 §§ 1 et 3 a) et b) de la Convention, le requérant se plaint de ce que les juridictions compétentes ont requalifié en cours d’instance les faits qui lui étaient reprochés.

EN DROIT

Le requérant se plaint de la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 a) et b) de la Convention qui, dans sa partie pertinente, se lit ainsi :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.

3. Toute accusé a droit notamment à :

a ) être informée, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui;

b ) disposer d’un temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense; (...) »

Le Gouvernement conteste le grief du requérant selon lequel la requalification opérée par le tribunal correctionnel viola le droit de celui-ci à un procès équitable. Il précise que ce pouvoir de requalification, constant en droit interne depuis le dix-neuvième siècle, appartient aux juges du fond tant de première instance que d’appel et qu’il vaut pour toutes les infractions sauf quand la loi en dispose autrement. Selon lui, le tribunal n’est pas tenu par les qualifications juridiques proposées par le juge d’instruction et il peut modifier les incriminations dont il est saisi en restituant aux faits leur exacte qualification. Il souligne cependant, que les juges ne peuvent procéder à une requalification si celle-ci repose sur des faits nouveaux par rapport à la prévention originelle et que c’est seulement lorsque le prévenu a expressément accepté d’être jugé d’un chef complémentaire, que le tribunal peut statuer sur un fait autre que ceux visés dans l’ordonnance de renvoi.

Le Gouvernement rappelle que dans l’arrêt Pélissier et Sassi c. France du 25 mars 1999 [GC], n°254/94, CEDH 1999-II), la Cour jugea que la juridiction correctionnelle dispose « d’un droit incontesté de requalifier les faits dont elle était régulièrement saisie. La seule limite à cette faculté tient au fait que le tribunal doit donner la possibilité aux requérants d’exercer leurs droits de défense sur ce point d’une manière concrète et effective, et notamment en temps utile (...) ».

Contrairement à ce que soutient le requérant, le Gouvernement prétend que celui-ci fut mis en mesure de s’expliquer tout au long de la procédure d’instruction sur l’ensemble des éléments caractéristiques de l’infraction d’escroquerie, et notamment sur sa qualité d’avocat et son rôle d’intermédiaire dans le processus de corruption. Ainsi, l’instruction portait également sur les éléments constitutifs de l’escroquerie et le tribunal pouvait donc valablement procéder à la requalification des faits dont il était saisi par ordonnance de renvoi. Il rappelle que quelque soit la qualification juridique retenue, celle-ci concernait toujours les mêmes éléments factuels. Le tribunal puisa dans le dossier d’instruction dont il était saisi tous les éléments qui lui permirent de requalifier juridiquement les faits de corruption passive en escroquerie, sans rien ajouter à la prévention initiale et sans se référer à des éléments de faits distincts de ceux figurant déjà dans le dossier d’instruction. Ainsi, le tribunal pouvait valablement statuer sur la corruption sans avoir à demander au requérant s’il acceptait de comparaître volontairement pour ce nouveau chef. Les éléments constitutifs du délit d’escroquerie étaient relevés et caractérisés dès l’instruction ; les manoeuvres frauduleuses, qui découlaient de l’abus de la qualité vraie d’avocat, avaient été mises en exergue dès l’enquête préliminaire et l’instruction.

Par ailleurs, il convient de relever que le terme « escroquerie » avait été employé lors de l’enquête et en cours d’instruction. Ainsi, étaient invoqués indistinctement comme chefs d’inculpation les faits « d’escroquerie, corruption active, corruption passive, faux et usage (...) ». De même, la réquisition judiciaire du 19 octobre 1994 et la commission rogatoire internationale du juge d’instruction du 31 octobre 1994 mentionnaient « dans l’affaire Feldman, Le Youdec et tous autres du chef de corruption passive, corruption active, faux et usage, escroquerie (...) ».

Enfin, le Gouvernement souligne que la condition d’avocat du requérant constituait un élément factuel sous-jacent intrinsèque de l’accusation initiale et que la présente requête est tout à fait comparable à l’affaire De Salvador Torres c. Espagne (arrêt du 24 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-V) où la Cour avait conclu à la non-violation de l’article 6 § 1.

Le requérant souligne qu’il fut renvoyé devant le tribunal correctionnel pour le délit de complicité de corruption passive et que l’auteur principal fut relaxé, donc qu’il devait également être déclaré non coupable et relaxé. Il conteste la légalité de la requalification faite par le tribunal et sa condamnation corollaire. Il rappelle que les tribunaux correctionnels français ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont régulièrement saisis et s’ils peuvent modifier légalement leur qualification et substituer une qualification nouvelle à celle sous laquelle l’accusé leur était déféré, ce n’est qu’à l’unique condition que les faits invoqués restent tels qu’ils ont été retenus dans l’acte saisissant la juridiction, à moins que le prévenu ait formellement accepté le débat sur les faits nouveaux. Selon lui, à aucun moment, l’enquête du juge d’instruction ne porta sur une quelconque escroquerie ou tentative d’escroquerie et l’ordonnance de renvoi devant le tribunal n’indiquait pas qu’il résultait de l’information que des charges suffisantes portant sur ce chef pouvaient être retenues contre lui. Le requérant rappelle qu’en droit français, la structure de la corruption passive ainsi que celle de la complicité de ce délit, diffèrent notablement de celle de l’escroquerie et de sa tentative. Il précise que si la notion de remise peut être considérée comme commune au délit de corruption passive et au délit d’escroquerie, la notion de manoeuvres frauduleuses est quant à elle exclusivement liée à ce dernier. Il prétend qu’il fut condamné pour un délit sur lequel le tribunal ne l’avait pas invité à s’expliquer et qui de surcroît incluait des éléments de faits distincts de ceux visés dans la prévention

Il constate qu’en l’espèce, tant au stade de l’instruction qu’au stade du jugement, il ne fut jamais entendu quant à une quelconque manoeuvre frauduleuse ou un prétendu usage abusif de sa qualité vraie d’avocat.

De plus, il souligne que, quand bien même les faits auraient fait l’objet d’une information, leur absence du titre de poursuite empêcha les juges du fond de les relever d’office, sauf si le prévenu comparaissait en connaissance de cause. Le requérant conclut donc que les droits de la défense furent violés.

La Cour rappelle que l’équité d’une procédure s’apprécie au regard de l’ensemble de celle-ci. Les dispositions du paragraphe 3 de l’article 6 montrent la nécessité de mettre un soin particulier à notifier l’ « accusation » à l’intéressé. L’acte d’accusation joue un rôle déterminant dans les poursuites pénales : à compter de sa signification, la personne mise en cause est officiellement avisée par écrit de la base juridique et factuelle des reproches formulées contre elle. L’article 6 § 3 a) reconnaît à l’accusé le droit d’être informé non seulement de la cause de l’accusation, c’est-à-dire des faits matériels qui sont mis à sa charge et sur lesquels se fonde l’accusation, mais aussi de la qualification juridique donnée à ces faits et ce d’une manière détaillée (Pélissier et Sassi c. France [GC], n° 25444/94, § 51, CEDH 1999-II).

La portée de cette disposition doit notamment s’apprécier à la lumière du droit plus général à un procès équitable que garantit le paragraphe 1 de l’article 6 de la Convention. En matière pénale, une information précise et complète des charges pesant contre un accusé, et donc la qualification juridique que la juridiction pourrait retenir à son encontre, est une condition essentielle de l’équité de la procédure. Les dispositions de l’article 6 § 3 a) n’imposent aucune forme particulière quant à la manière dont l’accusé doit être informé de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui. Enfin, il existe un lien entre les alinéas a) et b) de l’article 6 § 3 et le droit à être informé de la nature et de la cause de l’accusation doit être envisagé à la lumière du droit pour l’accusé de préparer sa défense (Pélissier et Sassi c. France précité, ibid. §§ 52-54).

La Cour note qu’à la différence de l’affaire Pélissier et Sassi où les requérants avaient connu le changement de qualification au moment du prononcé de l’arrêt de la cour d’appel, dans la présente affaire, la requalification eut lieu lors du délibéré en première instance. La cour d’appel de Versailles rejeta le grief du requérant à cet égard, au motif que le requérant « avait pu s’expliquer durant toute l’information sur l’ensemble des éléments nécessaires à caractériser ces infractions ». Comme le souligne aussi le Gouvernement, la Cour note que dans ses conclusions du 22 janvier 1998 devant la cour d’appel, le requérant consacrait une partie de celles-ci à l’accusation d’escroquerie et après l’audience, dans la note de délibéré du 10 février 1998, il ajouta encore des éléments de fait à l’appui de sa défense contre cette accusation.

La Cour de cassation jugea que « la requalification ayant été prononcée par les premiers juges, le requérant avait la faculté de la discuter devant la cour d’appel ». Etant lui-même avocat, il savait que les faits qui lui étaient reprochés pouvaient donner lieu à plusieurs qualifications. Du reste, la cour d’appel aurait pu censurer le jugement du tribunal de grande instance si elle avait estimé que cette requalification était arbitraire ou avait porté atteinte aux droits de la défense du requérant (voir, mutatis mutandis, l’arrêt Dallos c. Hongrie, n° 29082/95, § 50).

Compte tenu de ce qui précède, la Cour considère que le requérant avait l’opportunité d’organiser sa défense devant la cour d’appel et de contester cette requalification tant devant la cour d’appel que la Cour de cassation. Partant, elle estime qu’aucune atteinte n’a été portée au droit du requérant à être informé d’une manière détaillée de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui, ainsi qu’à son droit à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.

Il s’ensuit que la requête doit être rejetée comme manifestement mal fondée, en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,

Déclare la requête irrecevable.

Erik Fribergh Christos Rozakis
Greffier Président