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QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE VICTOR-EMMANUEL de SAVOIE c. ITALIE
(Requête no 53360/99)
ARRÊT
(Radiation)
STRASBOURG
24 avril 2003
DÉFINITIF
24/07/2003
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l'article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l'affaire Victor-Emmanuel de Savoie c. Italie,
La Cour européenne des Droits de l'Homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
Sir Nicolas Bratza, président,
M. M. Pellonpää,
Mme E. Palm,
MM. M. Fischbach,
J. Casadevall,
S. Pavlovschi, juges,
L. Ferrari Bravo, juge ad hoc,
et de M. M. O'Boyle, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 avril 2003,
Rend l'arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l'origine de l'affaire se trouve une requête (no 53360/99) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet Etat, Victor‑Emmanuel de Savoie (« le requérant »), a saisi la Cour le 13 décembre 1999 en vertu de l'article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Lors de l'introduction de la requête, le requérant était représenté devant la Cour par Mes G. Morbilli, E. Emanuele et A. Schmitt, avocats à Turin, Rome et Luxembourg respectivement. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. U. Leanza, et son coagent, M. F. Crisafulli.
3. Le requérant alléguait la violation de l'article 3 § 2 du Protocole no 4 (droit d'entrée en Italie), des articles 3 (interdiction des traitements inhumains et dégradants), 5 (droit à la liberté), 6 (droit à un procès équitable), 8 (respect de la vie privée et familiale), 11 (droit à la liberté de réunion) et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention, des articles 1 (protection de la propriété) et 3 (droits électoraux) du Protocole no 1 et de l'article 2 du Protocole no 4 (liberté de circulation).
4. La requête a été attribuée à la deuxième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci, la chambre chargée d'examiner l'affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l'article 26 § 1 du règlement.
5. Par une décision du 13 septembre 2001, la Cour a déclaré la requête partiellement recevable : elle a retenu les griefs tirés des articles 3 § 2 du Protocole no 4 ainsi que 3 de la Convention et 3 du Protocole no 1, pris isolément ou combinés avec l'article 14 de la Convention. La Cour a déclaré la requête irrecevable pour le surplus.
6. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la quatrième section ainsi remaniée (article 52 § 1 du règlement).
7. La Cour ayant décidé de tenir une audience sur le fond de l'affaire (article 54 § 4 du règlement), l'ouverture de la procédure orale a été initialement fixée au 22 janvier 2002. L'audience a été par la suite reportée à deux reprises à la demande du gouvernement défendeur. Celui-ci s'étant appuyé sur l'état d'avancement des travaux de révision de la disposition constitutionnelle à l'origine du litige, la section a subordonné son accord à la progression de ces travaux parlementaires.
Le 4 novembre 2002, le Gouvernement a informé la Cour que le processus de révision constitutionnelle était terminé et a par conséquent demandé la radiation de la requête. Le 29 novembre, le requérant a déposé ses observations. Le Gouvernement et le requérant ont soumis leurs observations complémentaires les 5 et 13 décembre 2002 respectivement.
8. Le 12 mars 2003, la Cour a décidé qu'il n'y avait plus lieu de tenir une audience.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L'ESPÈCE
9. Le requérant est né en 1937 et réside à Genève (Suisse). Il est le fils d'Humbert II, dernier roi d'Italie. Il a quitté l'Italie en 1946 lorsque, à la suite du référendum du 2 juin 1946 sur le régime politique de l'Italie, son père est parti en exil en raison de la proclamation de la République italienne. Depuis le décès d'Humbert II, survenu le 18 mars 1983, le requérant est le nouveau chef de la Maison de Savoie.
10. Lors de l'introduction de la présente requête, le requérant se plaignait principalement de l'interdiction d'entrée et de séjour en Italie dont il était frappé aux termes de la Constitution italienne.
11. Adoptée le 22 juin 1947, la Constitution de la République italienne est entrée en vigueur le 1er janvier 1948. Sa XIIIe disposition transitoire et finale (« la XIIIe disposition ») porte sur les membres et descendants de la Maison de Savoie (paragraphe 15 ci-dessous). Son paragraphe 2 a été l'objet de trois avis du Conseil d'Etat et de décisions que les juridictions italiennes (judiciaire et constitutionnelle) ont été amenées à prendre.
12. Le dernier de ces avis a été rendu le 1er mars 2001. Le Conseil d'Etat était appelé à se prononcer sur trois questions concernant l'efficacité, le bien-fondé et l'applicabilité, à la lumière des principes de la Convention européenne des Droits de l'Homme, de la XIIIe disposition.
En ce qui concerne la deuxième question, le Conseil d'Etat a constaté, entre autres, que toute modification de la XIIIe disposition devait se faire par le biais du mécanisme de révision constitutionnelle prévu par l'article 138 de la Constitution.
13. Au début de la XIVe législature, plusieurs projets de loi ont été présentés par des sénateurs. Examinés conjointement, ces projets ont abouti à l'adoption de la loi constitutionnelle no 1 du 23 octobre 2002 (paragraphe 15 ci-dessous).
Cette dernière prévoit que les alinéas 1 et 2 de la XIIIe disposition n'ont plus d'effet à partir du 10 novembre 2002, date d'entrée en vigueur de la loi.
14. Le 15 mars 2003, le requérant est entré en Italie et y a séjourné pour une courte visite.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
15. Adoptée le 22 juin 1947, la Constitution italienne est entrée en vigueur le 1er janvier 1948.
La XIIIe disposition transitoire et finale était ainsi libellée :
« Les membres et les descendants de la Maison de Savoie ne sont pas des électeurs et ne peuvent occuper de fonctions publiques ni de charges électives.
L'entrée et le séjour sur le territoire italien sont interdits aux ex-rois de la Maison de Savoie, à leurs conjoints et à leurs descendants de sexe masculin.
Les biens des ex-rois de la Maison de Savoie, de leurs conjoints et de leurs descendants de sexe masculin qui se trouvent sur le territoire national sont confisqués par l'Etat. Les cessions et les constitutions de droits réels sur ces biens effectuées après le 2 juin 1946 sont nulles. »
16. Le premier paragraphe de la loi constitutionnelle no 1 du 23 octobre 2002 est ainsi libellé :
« Les paragraphes premier et deuxième de la XIIIe disposition transitoire et finale de la Constitution n'ont plus d'effet à partir de la date d'entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle ».
17. Publiée au Journal officiel de la République italienne le 26 octobre 2002, la loi constitutionnelle est entrée en vigueur le 10 novembre 2002, à l'issue du mécanisme de révision constitutionnelle fixé par l'article 138 de la Constitution.
EN DROIT
18. Le 4 novembre 2002, le Gouvernement a informé la Cour que la loi constitutionnelle no 1 de 2002 entrerait en vigueur le 10 novembre 2002 et qu'à partir de cette date, les deux premiers paragraphes de la XIIIe disposition transitoire et finale n'auraient plus effet.
19. A cette occasion, le gouvernement a rappelé que le 8 juillet 2002, le requérant avait adressé au président du Conseil des ministres italien un courrier rédigé dans ces termes :
« Signor Presidente,
Ho accolto con piacere il Professore Umberto Leanza, Capo del Contenzioso Diplomatico, accompagnato dal Console Generale d'Italia Dr. Carlo M. Oliva.
Mentre apprendo con soddisfazione che finalmente la vicenda della mia famiglia sia per entrare nella fase finale della sua risoluzione, desidero assicurare che è mia intenzione ritirare il ricorso che presentai avanti la Corte Europea dei Diritti dell'Uomo con sede a Strasburgo, una volta approvata la Legge Costituzionale abrogativa dei due primi comi della XIII^ Disp. Trans. e Fin. della Costituzione e decorsi i tre mesi prescritti senza che venga richiesto referendum confermativo.
E' evidente che solo in questo caso potrà dirsi, per quella vicenda, cessata la materia del contendere.
Monsieur le Président,
J'ai reçu avec plaisir le professeur Umberto Leanza, chef du contentieux diplomatique, accompagné de M. Carlo M. Oliva, consul général d'Italie.
Comme j'apprends avec satisfaction que finalement les vicissitudes de ma famille sont en train d'entrer dans la phase finale de leur résolution, je souhaite réaffirmer qu'il est dans mes intentions de retirer la requête que j'ai introduite devant la Cour européenne des Droits de l'Homme, à Strasbourg, une fois que la loi constitutionnelle abrogative des deux premiers paragraphes de la XIIIe disposition transitoire et finale sera approuvée et que le délai de trois mois sera expiré sans qu'il soit demandé de référendum confirmatif.
Il va de soi que ce n'est que dans ce cas qu'il sera possible de dire, quant à ces vicissitudes, que l'objet du litige a disparu ».
Le Gouvernement souligne que les conditions posées par le requérant dans cette lettre pour renoncer à la requête se trouvent désormais remplies. En effet, ces conditions (approbation de la loi et expiration du délai de trois mois pour demander un référendum) se combinent avec la manifestation de volonté conditionnelle du requérant pour la compléter, si bien que cette dernière doit être considérée comme accomplie et effective. Par conséquent, la déclaration du 8 juillet 2002 déploierait d'ores et déjà ses effets sans qu'une nouvelle manifestation de volonté soit nécessaire.
20. Le Gouvernement ajoute qu'avec l'entrée en vigueur de ladite loi constitutionnelle, le litige qui oppose le requérant au Gouvernement serait définitivement résolu et que cela justifierait également la radiation du rôle de la requête.
21. Le 12 novembre 2002, le Gouvernement a informé la Cour avoir déclaré au Secrétaire Général du Conseil de l'Europe qu'il retirait la déclaration faite le 27 mai 1982 lors du dépôt de l'instrument de ratification du Protocole no 4 à la Convention.
22. De leur côté, le 29 novembre 2002, les conseils du requérant ont indiqué ne pas partager la formulation de la demande de radiation dans les termes exposés par le Gouvernement, parce qu'elle se fonde sur des arguments inexacts qui ne peuvent être partagés.
Ils remarquent d'abord que l'adoption de la loi constitutionnelle no 1 de 2002 ne clôt pas le différend. En effet, cette loi met seulement fin à certaines violations parmi celles dénoncées, mais n'efface pas les violations subies par le requérant par le passé et jusqu'à l'abrogation. La loi constitutionnelle ne réduit pas à néant le droit et l'intérêt du requérant à faire constater les violations alléguées et condamner pour cela l'Etat défendeur.
Les conseils du requérant ne partagent pas non plus l'opinion du Gouvernement au sujet du courrier du requérant du 8 juillet 2002. Selon eux, cette lettre contient une déclaration d'intention et non une déclaration de renonciation explicite et inconditionnelle. Par ailleurs, cette déclaration a été faite dans le contexte d'une correspondance qui était – et devait rester – « strictement privée » ; par conséquent, elle n'a aucune valeur judiciaire directe. Pour avoir une telle valeur, elle aurait dû être faite dans le cadre judiciaire par les conseils du requérant.
En conclusion, ils déclarent prendre note de la demande de radiation formulée par le Gouvernement et précisent qu'il faut sauvegarder tous les droits du requérant sans aucune renonciation à l'action judiciaire devant toute juridiction compétente, aussi bien nationale qu'internationale, y compris la Cour européenne si nécessaire, afin de faire constater, entre autres, les violations des droits de l'homme et de tout autre droit subjectif dans le chef du requérant. Ils réaffirment en outre, comme ils l'ont déjà exprimé dans la requête, qu'ils se réservent le droit d'agir en réparation des dommages moraux et matériels résultant de l'exil injuste du requérant, et de la privation sans indemnisation des propriétés de sa famille.
23. Le 5 décembre 2002, le Gouvernement a constaté que la partie requérante n'avait pas exprimé de véritable opposition à la demande de radiation mais qu'elle avait indiqué ne s'opposer qu'à sa formulation. Le Gouvernement a ajouté que, de son côté, il n'attachait pas d'importance à la formulation de la demande de radiation mais à l'issue de la procédure. Par conséquent, le Gouvernement s'estimerait satisfait quelle que soit l'argumentation de la Cour. De ce fait, il a demandé à la Cour de rayer l'affaire pour l'un des motifs déjà indiqués ou pour toute autre raison que la Cour estimerait applicable en l'espèce (perte de la qualité de victime, défaut d'actualité de la violation ou autre).
24. Dans des observations datées du 13 décembre 2002, les conseils du requérant réitèrent que le courrier du 8 juillet était une missive à caractère privé et non une transaction entre les parties. Ils en veulent pour preuve le fait que le courrier fut suivi de rencontres qui avaient pour but de lui donner un « contenu », rencontres qui se sont soldées par un échec. Ils réaffirment donc qu'ils prennent acte de la demande de radiation du Gouvernement.
25. Le 17 mars 2003, le Gouvernement a fait parvenir à la Cour le texte d'un entretien du requérant publié le 2 mars dans la presse. Il fait remarquer que le requérant a indiqué « qu'il « n'existe aucune requête » auprès de la Cour de Strasbourg » et « qu'il explique cette singulière affirmation en disant que la requête « n'a jamais été renouvelée » ou « réactivée » et que par conséquent elle est « tombée d'elle-même » ».
Le Gouvernement voit dans ces déclarations la réactualisation de la volonté pleinement libre et consciente du requérant de ne pas poursuivre la procédure devant la Cour. Il conclut qu'il n'en faut pas davantage pour rayer la requête du rôle de la Cour.
26. Dans leurs commentaires en réponse, le 28 mars 2003, les conseils du requérant ont indiqué que celui-ci n'avait pas de raisons, en l'état actuel, de s'opposer à la demande de radiation du rôle émanant du Gouvernement. Le requérant se réserve néanmoins de demander à la Cour la réinscription au rôle en application de l'article 37 § 2 de la Convention.
27. L'article 37 § 1 de la Convention est ainsi libellé :
« 1. A tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure
a) que le requérant n'entend plus la maintenir ; ou
b) que le litige a été résolu ; ou
c) que, pour tout autre motif dont la Cour constate l'existence, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête.
Toutefois, la Cour poursuit l'examen de la requête si le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles l'exige.
2. La Cour peut décider la réinscription au rôle d'une requête lorsqu'elle estime que les circonstances le justifient. »
La Cour doit par conséquent rechercher si les faits nouveaux portés à sa connaissance – adoption de la loi constitutionnelle no 1 de 2002 et courrier du requérant au président du Conseil des ministres du 8 juillet 2002 – peuvent l'amener à conclure qu'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête au titre de l'alinéa c) de l'article 37 § 1.
28. Dans ce contexte, la Cour attache une importance particulière à la lettre adressée par le requérant au président du Conseil des ministres le 8 juillet 2002, dans laquelle il réaffirmait qu'il avait l'intention de retirer la requête une fois que la loi constitutionnelle serait adoptée et que le délai pour demander un référendum serait écoulé sans que pareil référendum ne soit adopté. Le requérant ajoutait qu'il allait de soi que ce n'était que dans ce cas que l'on pourrait affirmer que l'objet du litige avait disparu.
29. Etant donné que les paragraphes 1 et 2 de la XIIIe disposition n'ont plus d'effet en droit interne, que le Gouvernement a retiré sa réserve et que le requérant peut désormais entrer en Italie – et il l'a d'ailleurs déjà fait – la Cour estime qu'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête (article 37 § 1 c) de la Convention).
30. Ce constat dispense la Cour d'examiner s'il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête pour les motifs cités aux alinéas a) et b) de ce même article. Par ailleurs, aucun motif particulier touchant au respect des droits de l'homme garantis par la Convention n'exige la poursuite de l'examen de la requête en vertu de l'article 37 § 1 in fine de la Convention.
31. Partant, il convient de rayer l'affaire du rôle.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L'UNANIMITÉ,
Décide de rayer l'affaire du rôle.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 avril 2003 en application de l'article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Michael O'Boyle Nicolas Bratza
Greffier Président