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Text rozhodnutí
Datum rozhodnutí
28.10.2004
Rozhodovací formace
Významnost
3
Číslo stížnosti / sp. zn.

Rozsudek

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE RIZA DİNÇ c. TURQUIE

(Requête no 42437/98)

ARRÊT

STRASBOURG

28 octobre 2004

DÉFINITIF

02/02/2005

Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.


En l’affaire Rıza Dinç c. Turquie,

La Cour européenne des Droits de l’Homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

MM. G. Ress, président,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
J. Hedigan,
Mmes M. Tsatsa-Nikolovska,
H.S. Greve,
M. K. Traja, juges,
et de M. V. Berger, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil les 13 mars 2003 et 7 octobre 2004,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette dernière date :

PROCÉDURE

1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 42437/98) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet Etat, M. Rıza Dinç (« le requérant »), avait saisi la Commission européenne des Droits de l’Homme (« la Commission ») le 15 juin 1998 en vertu de l’ancien article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le requérant est représenté par Me F. Karakaş, avocate à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent dans la procédure devant la Cour.

3. La requête a été transmise à la Cour le 1er novembre 1998, date d’entrée en vigueur du Protocole no 11 à la Convention (article 5 § 2 du Protocole no 11).

4. La requête a été attribuée à la troisième section de la Cour (article 52 § 1 du règlement). Au sein de celle-ci la chambre chargée d’examiner l’affaire (article 27 § 1 de la Convention) a été constituée conformément à l’article 26 § 1 du règlement.

5. Le 1er novembre 2001, la Cour a modifié la composition de ses sections (article 25 § 1 du règlement). La présente requête a été attribuée à la troisième section ainsi remaniée (article 52 § 1).

6. Par une décision du 13 mars 2003, la chambre a déclaré la requête recevable.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

7. Le requérant est né en 1963 et réside à Istanbul.

8. Le 1er octobre 1994, dans le cadre d’une opération menée contre le PRK/Rızgari (Parti pour la libération du Kurdistan / Libération), une organisation illégale, le requérant et une personne du nom de S.Y. furent arrêtés par la direction de la sûreté de Mersin, section de la lutte contre le terrorisme.

9. Lors de sa garde à vue, le requérant ne fut pas assisté par un avocat.

10. Le 12 octobre 1994, il fut entendu par la police. Dans sa déposition, il mentionna qu’il était avocat et qu’il avait fondé, avec plusieurs autres personnes, la société d’édition et de distribution Komal Yayınevi (Komal Yayın dağıtım limited şirketi). Il déclara qu’après la publication des trois premiers numéros de la revue Sterka Rızgari, sur les conseils de R.M., un des associés en détention, il était venu à Mersin pour engager S.Y. comme correspondant de cette revue.

11. Dans le procès-verbal de confrontation avec S.Y. établi le même jour, le requérant déclara qu’il n’était pas membre du PRK/Rızgari, qu’il était avocat et associé de la maison d’édition Komal Yayınevi et qu’il publiait la revue Sterka Rızgari. Il protesta de son innocence. Il dit qu’il était venu rencontrer S.Y. pour lui proposer un poste de correspondant dans la revue qu’il publiait. S.Y. contesta ces dires et déclara qu’il ne connaissait personne du nom de R.M. et qu’il n’avait reçu aucune offre pour devenir correspondant. Il s’était rendu à Mersin à la demande de F.A., son employeur, pour remettre à la personne qui allait le contacter par téléphone, c’est-à-dire le requérant, un sac dont il ignorait le contenu. Il devait également rapporter à son employeur l’ordinateur se trouvant au domicile de M.Ş.K. Il ne connaissait pas la nature de la relation entre F.A. et le requérant.

12. Par un procès-verbal du 13 octobre 1994, la direction de la sûreté de Mersin demanda au procureur de la République d’ouvrir une enquête à l’encontre, entre autres, du requérant pour appartenance à une organisation illégale.

13. Le 14 octobre 1994, le requérant fut entendu par le procureur de la République. Il réitéra sa déposition recueillie lors de sa garde à vue ainsi que le contenu du procès-verbal de confrontation du 12 octobre 1994. Il déclara en outre qu’il n’était pas venu rencontrer S.Y. au nom de l’organisation, qu’il avait subi de mauvais traitements dès son arrestation et que le contenu du procès-verbal de confrontation avec S.Y. avait été obtenu sous la contrainte. Il indiqua également qu’il ne reconnaissait pas la mention « la véracité de la déclaration a été obtenue par son libre consentement sans aucune contrainte ni violence ou contrainte psychologique » apposée à la fin de sa déposition.

14. Le même jour, le requérant fut entendu par le juge, devant lequel il réitéra ses précédentes déclarations, protesta de son innocence et déclara que sa déposition faite lors de sa garde à vue avait été obtenue sous la contrainte. Le juge ordonna sa mise en détention provisoire.

15. Les policiers responsables de la garde à vue du requérant furent entendus par une commission rogatoire dont la date n’est pas précisée.

16. Le 24 novembre 1994, F.A. fut entendu par le parquet. Il déclara être le frère d’İ.A., arrêté par la police, qu’il l’avait vu environ deux mois plus tôt à Ankara et qu’il lui avait demandé d’emmener à Mersin deux colis et un sac. Il avait livré ces affaires à un membre de sa famille, M.Ş.K., puis avait appris à ses dépens que son frère était membre du PRK/Rızgari et que les affaires en question, dont des ordinateurs, étaient destinées à cette organisation illégale.

17. Par un acte d’accusation du 30 décembre 1994, sur le fondement des articles 168 du code pénal et 5 de la loi no 3713 relative à la lutte contre le terrorisme, le procureur de la République près la cour de sûreté de l’Etat de Konya (« la cour de sûreté de l’Etat ») intenta une action pénale contre le requérant pour appartenance au PRK/Rızgari, notamment la création de sociétés paravents, telle la maison d’édition Komal, ainsi que la distribution de publications destinées à son financement et à sa propagande, et pour ses activités au sein de la revue Sterka Rızgari.

18. Le 11 avril 1995, le requérant fut mis en liberté provisoire.

19. Le 19 décembre 1995, le requérant présenta son mémoire en défense devant la cour de sûreté de l’Etat. Il soutint que la revue Sterka Rızgari n’était pas la revue de l’organisation ; il connaissait F.A. qu’il avait défendu en sa qualité d’avocat ; la procédure engagée à son encontre revêtait un caractère politique. Il reconnut en partie la véracité de sa déposition faite lors de la garde à vue et précisa que la police y avait mentionné des émargements erronés en particulier au sujet de l’identification de S.Y. et du transport des sacs. Il reconnut ses dépositions faites devant le parquet et le juge ; il avait expliqué la politique et le but de sa revue qui consistait à critiquer l’idéologie officielle concernant la région du sud-est de l’Anatolie et le problème kurde.

20. Par un arrêt du 24 octobre 1996, en application des articles 168 § 2 du code pénal et 5 de la loi no 3713 et tenant compte des circonstances atténuantes, la cour de sûreté de l’Etat condamna le requérant à douze ans et six mois de réclusion pour appartenance au PRK/Rızgari. Dans ses motifs, elle se référa au contenu du mémoire en défense du requérant, dans lequel il avait fait valoir qu’il n’était pas membre du PRK ; sa rencontre avec l’accusé S.Y. n’avait pas de lien avec l’organisation ; il l’avait rencontré, à la demande de son associé R.M., pour l’embaucher dans la revue Sterka Rızgari. La cour précisa que, dans sa déposition devant le parquet et le juge, S.Y. avait déclaré être venu rencontrer le requérant à la demande de F.A. pour lui remettre les pièces saisies. La cour poursuivit en disant que même si l’accusé S.Y. était par la suite revenu sur ses précédentes déclarations en faisant valoir qu’il avait rencontré le requérant pour travailler comme correspondant de la revue Sterka Rızgari, la cour ne prit pas en considération cette dernière version de sa déposition qui était, selon elle, de nature à minimiser les liens du requérant avec l’organisation illégale. S’agissant de la déposition de R.M. obtenue par commission rogatoire, la cour considéra que celle-ci également était de nature à minimiser les liens du requérant avec l’organisation illégale et en conséquence la cour ne prit pas non plus en considération cette déposition de R.M. La cour déclara par ailleurs qu’en approuvant l’idéologie et le point de vue du PRK/Rızgari qui avait pour but de changer la structure unitaire de l’Etat, le requérant, en sa qualité de propriétaire de la revue Sterka Rızgari et de la maison d’édition Komal, avait démontré que ces publications représentaient les publications officielles de cette organisation illégale. Ensuite, la cour nota que dans sa déposition R.M., fondateur de l’organisation, avait déclaré que les relations du requérant avec l’organisation avait pour but de créer une maison d’édition ; et les activités légales du requérant menées au sein de la revue Sterka Rızgari et de la maison d’édition Komal allaient dans ce sens.

21. A une date non précisée, le requérant forma un pourvoi contre cet arrêt. Puis, le 3 novembre 1997, le requérant introduisit devant la Cour de cassation un pourvoi complémentaire en défense dans lequel il demanda, entre autres, la tenue d’une audience.

22. Par un arrêt du 2 décembre 1997, prononcé le 17 décembre 1997, la Cour de cassation confirma l’arrêt rendu en première instance.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

23. Le droit et la pratique internes pertinents sont décrits dans les arrêts Özel c. Turquie (no 42739/98, §§ 20-21, 7 novembre 2002) et Gençel c. Turquie (no 53431/99, §§ 11-12, 23 octobre 2003).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 DE LA CONVENTION

24. Le requérant allègue que la cour de sûreté de l’Etat qui l’a jugé et condamné ne constitue pas un « tribunal indépendant et impartial » qui eût pu lui garantir un procès équitable en raison de la présence d’un juge militaire en son sein.

Le requérant dénonce également le défaut d’équité de la procédure devant la cour de sûreté de l’Etat et la Cour de cassation. Il se plaint en ce sens d’avoir été condamné sur le fondement de sa déposition obtenue lors de sa garde à vue, en l’absence de l’assistance d’un avocat, sans avoir eu la possibilité de faire interroger les policiers incriminés, et que l’avis du procureur général près la Cour de cassation ne lui a pas été communiqué ainsi que de l’absence de motivation de l’arrêt rendu par celle-ci.

Il y voit une violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b), c) et d) de la Convention qui, en ses parties pertinentes, se lit ainsi :

« 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...).

3. Tout accusé a droit notamment à :

(...) ;

b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;

c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;

d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;

(...) »

1. Sur l’indépendance et l’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat

25. La Cour a traité à maintes reprises d’affaires soulevant des questions semblables à celles du cas d’espèce et a constaté la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir Özel, précité, §§ 33-34, et Özdemir c. Turquie, no 59659/00, §§ 3536, 6 février 2003).

26. La Cour a examiné la présente affaire et considère que le Gouvernement n’a fourni aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Elle constate qu’il est compréhensible que le requérant, qui répondait devant une cour de sûreté de l’Etat d’infractions prévues et réprimées par le code pénal, ait redouté de comparaître devant des juges parmi lesquels figurait un officier de carrière appartenant à la magistrature militaire. De ce fait, il pouvait légitimement craindre que la cour de sûreté de l’Etat se laissât indûment guider par des considérations étrangères à la nature de sa cause. Partant, on peut considérer qu’étaient objectivement justifiés les doutes nourris par le requérant quant à l’indépendance et à l’impartialité de cette juridiction (Incal c. Turquie, arrêt du 9 juin 1998, Recueil des arrêts et décisions 1998IV, p. 1573, § 72 in fine).

27. La Cour conclut que, lorsqu’elle a jugé et condamné le requérant, la cour de sûreté de l’Etat n’était pas un tribunal indépendant et impartial au sens de l’article 6 § 1.

2. Sur l’équité de la procédure pénale

28. Le Gouvernement conteste l’existence d’une violation.

29. La Cour rappelle avoir déjà jugé dans des affaires similaires qu’un tribunal dont le manque d’indépendance et d’impartialité a été établi ne peut, en toute hypothèse, garantir un procès équitable aux personnes soumises à sa juridiction.

30. Eu égard au constat de violation du droit du requérant à voir sa cause entendue par un tribunal indépendant et impartial auquel elle parvient, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner le présent grief (voir, entre autres, Çıraklar c. Turquie, arrêt du 28 octobre 1998, Recueil 1998-VII, p. 3074, §§ 44-45).

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 10 DE LA CONVENTION

31. Le requérant allègue avoir été condamné au pénal en raison des publications de sa maison d’édition ; de par son origine kurde, il défendait l’identité et les droits nationaux et démocratiques des Kurdes. Il se plaint en conséquence que sa condamnation au pénal a enfreint son droit à la liberté de pensée et d’expression. Il invoque à cet égard les articles 9, 10 et 14 de la Convention. La Cour considère qu’il y a lieu d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 10 de la Convention, ainsi libellé :

« 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. (...)

2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime (...) »

32. Le Gouvernement fait valoir que le requérant a été condamné par la cour de sûreté de l’Etat en raison de son appartenance au PRK, une organisation armée illégale. Il soutient qu’il ressort par ailleurs des faits de la cause que le requérant s’était rendu à Mersin pour prendre des ordinateurs et des documents appartenant à l’organisation en question, lesquels avaient été envoyés d’Ankara à Mersin par İ.A. Ce transfert a été découvert à la suite d’une opération menée contre le PRK à Ankara. Se référant à la jurisprudence de la Cour, le Gouvernement fait valoir que les charges retenues à l’encontre du requérant ne résultent pas directement de la revue Sterka Rızgari et qu’en conséquence, il ne peut alléguer une violation de l’article 10 de la Convention. Le Gouvernement soutient qu’il n’y a pas lieu d’examiner les griefs tirés de l’article 10 lorsque les faits fondant la condamnation d’un requérant n’ont pas été établis à l’issue d’un procès équitable.

33. La Cour constate qu’une action pénale a été engagée par le parquet de Konya contre le requérant, sur le fondement des article 168 du code pénal et 5 de la loi no 3713, pour appartenance à l’organisation armée illégale du PRK/Rızgari (paragraphe 17 ci-dessus). Il a été condamné, sur le fondement de ces mêmes articles, le 24 octobre 1996, par la cour de sûreté de l’Etat de Konya du chef d’appartenance à cette organisation armée illégale. Dans ses motifs, la cour a précisé entre autres qu’en approuvant l’idéologie et le point de vue de l’organisation illégale en cause, en sa qualité de propriétaire de la revue Sterka Rızgari et de la maison d’édition Komal, le requérant avait démontré que ces publications étaient les publications officielles de cette organisation armée illégale (paragraphe 20 ci-dessus).

34. A la lumière de ces considérations, la Cour relève que le requérant n’a pas été condamné pour propagande séparatiste ni pour avoir incité le peuple à la haine et à l’hostilité en raison de ses opinions dans la revue Sterka Rızgari ou d’une publication de la maison d’édition Komal. Elle constate que, sur le fondement des articles 168 du code pénal et 5 de la loi no 3713, la cour de sûreté de l’Etat a condamné le requérant en tenant compte d’un certains nombres d’éléments de preuve parmi lesquels le fait qu’il était le propriétaire d’une revue et d’une maison d’édition servant la cause d’une organisation armée illégale. Partant, la Cour considère que la condamnation du requérant ne peut être considérée comme une ingérence dans son droit à la liberté d’expression, tel que protégé par l’article 10 de la Convention (voir Murat Kılıç c. Turquie (déc.) no 40498/98, 8 juillet 2003).

35. Eu égard aux constatations qui précèdent et tenant compte des circonstances de l’espèce, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la Convention.

III. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

36. Aux termes de larticle 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage matériel et moral

37. Le requérant allègue avoir subi un préjudice matériel et moral qu’il évalue respectivement à 156 525 et 50 000 euros (EUR).

38. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

39. En ce qui concerne le dommage matériel allégué, la Cour ne saurait spéculer sur le résultat auquel la procédure devant la cour de sûreté de l’Etat aurait abouti si l’infraction à la Convention n’avait pas eu lieu. Il n’y a donc pas lieu d’accorder au requérant une indemnité à ce titre (Findlay c. Royaume-Uni, arrêt du 25 février 1997, Recueil 1997-I, p. 284, § 85).

40. Quant au préjudice moral, la Cour estime que, dans les circonstances de l’espèce, le constat de violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante (Çıraklar, précité, p. 3074, § 49).

41. Lorsque la Cour conclut que la condamnation d’un requérant a été prononcée par un tribunal qui n’était pas indépendant et impartial au sens de l’article 6 § 1, elle estime qu’en principe le redressement le plus approprié serait de faire rejuger le requérant en temps utile par un tribunal indépendant et impartial (Gençel, précité, § 27).

B. Frais et dépens

42. Le requérant demande également 8 207 EUR pour les frais et dépens encourus devant les juridictions internes et devant la Cour.

43. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

44. Compte tenu des éléments en sa possession et de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime raisonnable la somme de 3 000 EUR tous frais confondus au titre des frais et dépens et l’accorde au requérant.

C. Intérêts moratoires

45. La Cour juge approprié de baser le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention en raison du manque d’indépendance et d’impartialité de la cour de sûreté de l’Etat de Konya ;

2. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner les autres griefs tirés de l’article 6 de la Convention ;

3. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 10 de la Convention ;

4. Dit que le présent arrêt constitue par lui-même une satisfaction équitable suffisante pour le préjudice moral ;

5. Dit

a) que lEtat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 3 000 EUR (trois mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ou toutes autres charges fiscales exigibles au moment du versement, à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 28 octobre 2004 en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Vincent Berger Georg Ress
Greffier Président