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Rozhodnutí
CINQUIÈME SECTION
DÉCISION PARTIELLE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête no 27241/02
présentée par Georgi Nikolov GEORGIEV
contre la Bulgarie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (cinquième section), siégeant le 22 janvier 2007 en une chambre composée de :
M. P. Lorenzen, président,
Mme S. Botoucharova,
MM. K. Jungwiert,
V. Butkevych,
Mme M. Tsatsa-Nikolovska,
MM. R. Maruste,
M. Villiger, juges,
et de Mme C. Westerdiek, greffière de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 8 juillet 2002,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
Le requérant, M. Georgi Nikolov Georgiev, est un ressortissant bulgare, né en 1949 et résidant à Pleven.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.
1. Les poursuites pénales à l’encontre du requérant
Le 25 février 1997, le requérant fut arrêté par la police de Varna en relation avec le décès d’un jeune homme, survenu suite à des coups portés par plusieurs individus, le 8 octobre 1996.
Selon le requérant, les policiers l’auraient battu au moment de son arrestation et il aurait eu deux côtes cassées et de nombreuses blessures. Malgré cela, il n’aurait reçu aucune aide médicale pendant les deux mois durant lesquels il était détenu au service de l’instruction. Le certificat médical qu’il se fit établir le 26 février 1997 aurait été dissimulé par le tribunal régional de Varna.
Le requérant fut mis en examen, de même que plusieurs autres complices présumés, pour séquestration et meurtre aggravé, commis en réunion, avec une cruauté particulière et en état de récidive. Par un jugement du tribunal régional de Varna du 29 avril 1999, le requérant fut reconnu coupable de ces chefs d’accusation et condamné à une peine de réclusion à perpétuité.
Le requérant interjeta appel. Par un arrêt du 8 octobre 1999, la cour d’appel de Varna fit droit au moyen tiré du caractère inéquitable de la peine infligée et diminua celle-ci à vingt ans de prison.
Le requérant et le parquet se pourvurent en cassation. Le requérant contestait plus particulièrement la qualification des faits de meurtre et demandait leur requalification en coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort de manière non intentionnelle. Par un arrêt du 20 juillet 2000, la Cour suprême de cassation rejeta les moyens soulevés par le requérant. Concernant le pourvoi du parquet, elle considéra que la cour d’appel avait fait une mauvaise application de la loi en retenant des circonstances atténuantes justifiant une réduction de la peine infligée au requérant. En conséquence, elle annula l’arrêt dans la partie concernant la peine et renvoya l’affaire pour un nouvel examen au fond de cette question. Le jugement devint définitif dans ses autres aspects.
Par un arrêt du 26 mars 2001, la cour d’appel de Varna confirma la peine de réclusion à perpétuité infligée en première instance. Le pourvoi en cassation introduit par le requérant fut rejeté par la Cour suprême de cassation le 30 mai 2002.
2. Les conditions de détention du requérant
Le requérant fut détenu à la prison de Pleven à compter d’une date qui n’a pas été précisée, jusqu’au 20 octobre 2002, lorsqu’il fut transféré à la prison de Varna. Concernant les conditions de détention à la prison de Pleven, le requérant expose qu’il était détenu seul dans une cellule d’environ 4 m2 qui ne disposait pas de fenêtre, de lampe et de chauffage, ceux-ci étant situés dans le couloir de façon que la lumière et la chaleur ne pénétraient que par la grille de la cellule. Les murs étaient en métal non isolant et il faisait très froid en hiver. Le requérant n’avait pas accès aux toilettes et devait effectuer ses besoins dans un seau placé dans la cellule. A proximité était située la salle de repos des gardiens et le sommeil des détenus était perturbé par les changements de garde à minuit et à 4 heures du matin. La seule activité hors cellule était la promenade quotidienne d’une heure. Le requérant expose par ailleurs qu’il avait une santé fragile, qu’il avait subi un accident cérébral en conséquence duquel une partie de son corps était engourdi et il souffrait d’hypertonie.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1. La loi de 1988 sur la responsabilité de l’Etat pour les dommages causés aux particuliers
L’article 1 alinéa 1 de la loi sur la responsabilité de l’Etat pour les dommages causés aux particuliers, dans sa rédaction en vigueur à l’époque des faits, disposait :
« L’Etat est responsable des dommages causés aux particuliers du fait des actes, actions ou inactions illégaux de ses autorités ou agents à l’occasion de l’accomplissement de leurs fonctions en matière administrative. (...) »
Une série de jugements récents de différents tribunaux internes de première et de deuxième instance ont considéré que cette disposition était applicable en cas de préjudice subi par une personne détenue du fait de conditions de détention inadéquates (реш. от 17.02.2003 г. по гр. д. № 1380/2002 г. на Пловдивския АС; реш. № 126 от 08.06.2005 г. по въззивно гр. д. № 205/2005 г. на Добричкия ОС; реш. № 380 от 19.07.2005 г. по гр. д. № 177/2005 г. на Габровския РС; реш. 04.05.2005 г. по гр. д. № 21393/2003 г. на Софийския РС; реш. № 444 от 08.07.2005 г. по гр. д. № 1031/2004 г. на Ловешкия РС; реш. № 4 от 18.02.2005 г. по гр. д. № 3267/2004 г. на Русенския РС).
2. La répression pénale des actes de mauvais traitements
Les articles 128 à 131 du Code pénal (CP) érigent en infraction pénale le fait de causer intentionnellement des blessures à autrui. La commission de ces faits par un policier ou un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions constitue une qualification aggravée de l’infraction.
Pour la plupart des infractions graves et pour toutes celles supposées avoir été commises par des fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions, seul le parquet peut déclencher les poursuites (articles 56 et 192 du Code de procédure pénale de 1974 (CPP), article 161 CP).
Lorsqu’il est saisi d’une plainte d’une personne se prétendant victime d’une infraction pénale, le procureur est tenu d’informer la personne concernée s’il refuse d’engager des poursuites (article 194 alinéa 2 CPP). Sa décision est susceptible d’un recours devant le procureur supérieur (article 194 alinéa 3).
C. Les rapports pertinents du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants du Conseil de l’Europe (CPT)
Les délégués du CPT ont effectué quatre visites des lieux de détention en Bulgarie, en 1995, 1999, 2002 et 2006. La prison de Pleven fait partie des lieux visités en avril 2002. Le rapport établi suite à cette visite a été rendu public en juin 2004.
Concernant les détenus à la prison de Pleven relevant d’un régime ordinaire, le rapport fait était de la surpopulation des cellules et d’un ameublement en mauvais état mais souligne que l’éclairage, la ventilation et la propreté des cellules étaient satisfaisants. Pendant la journée, les détenus avaient accès aux sanitaires collectifs et passaient beaucoup de temps hors cellule.
Les condamnés à une peine de perpétuité étaient quant à eux placés dans un quartier à part, dans des cellules individuelles d’environ 4.5 m2. Ces cellules étaient faiblement éclairées et ventilées, l’accès à la lumière naturelle et à l’air frais se faisant par une petite fenêtre située dans le couloir face à la cellule. Les détenus avaient accès aux sanitaires collectifs trois fois par jours et devaient utiliser un seau dans leur cellule le reste du temps. Les activités hors cellule de ces détenus étaient limitées à la promenade quotidienne, d’une durée d’une heure et effectuée par groupe de deux. Le rapport du CPT recommande la prise de mesures afin d’assurer des cellules plus grandes pour les détenus à vie, disposant d’une meilleure ventilation et d’un accès à la lumière naturelle. Le CPT constate également la nécessité d’améliorer leurs possibilités de contact, notamment en autorisant des activités extérieures de tous les détenus ensemble et, plus globalement, de leur intégration progressive au régime des autres détenus.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint du caractère inéquitable de la procédure pénale menée à son encontre, dénonce le défaut d’impartialité des tribunaux, l’examen superficiel de l’affaire et le refus d’interroger certains témoins.
2. Au regard de l’article 3 de la Convention, il se plaint d’avoir été battu au moment de son arrestation et des conditions de détention des condamnés à perpétuité à la prison de Pleven.
EN DROIT
1. Le requérant prétend qu’il n’a pas bénéficié d’un procès équitable, tel que garanti par l’article 6 § 1 de la Convention, libellé comme suit en ses parties pertinentes :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »
Dans la mesure où le grief du requérant vise l’appréciation des preuves et l’issue de la procédure menée à son encontre, la Cour rappelle qu’il ne lui appartient pas de connaître des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par les juridictions internes, sauf si et dans la mesure où celles-ci pourraient avoir porté atteinte aux droits et libertés sauvegardés par la Convention. Par ailleurs, si la Convention garantit en son article 6 le droit à un procès équitable, elle ne réglemente pas pour autant l’admissibilité des preuves ou leur appréciation, matière qui relève au premier chef du droit interne et des juridictions nationales (García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, § 28, CEDH 1999-I).
Or, la Cour note qu’en l’espèce le requérant conteste principalement l’interprétation des preuves par les juridictions internes et l’issue de la procédure, notamment en ce qui concerne la peine infligée. S’agissant du caractère équitable du procès, la Cour relève que le requérant a bénéficié d’une procédure contradictoire devant trois degrés de juridiction, qu’il a été assisté par un avocat et a pu, tout au long du procès, présenter les arguments qu’il jugeait pertinents pour sa cause. Les tribunaux, dans leur constat de culpabilité, se sont appuyés sur de nombreuses preuves et ont rendu des décisions motivées en fait et en droit.
Dans la mesure où l’intéressé se plaint plus particulièrement de ne pas avoir pu interroger certains témoins, la Cour constate qu’il n’a pas soulevé de tels arguments dans ses recours devant les juridictions internes d’appel et de cassation et n’a dès lors pas épuisé les voies de recours à cet égard, comme l’exige l’article 35 § 1 de la Convention.
En conclusion, la Cour n’estime pas être en présence d’éléments lui permettant de considérer que la procédure litigieuse n’a pas revêtu un caractère équitable.
Il s’ensuit que le grief du requérant doit être rejeté comme globalement manifestement mal fondé au sens de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.
2. Le requérant se plaint par ailleurs d’avoir été battu au moment de son arrestation et de ne pas avoir bénéficié des soins médicaux nécessaires par la suite. Il invoque l’article 3 de la Convention, libellé comme suit :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes énoncée à l’article 35 de la Convention impose aux personnes désireuses d’intenter contre l’Etat une action devant un organe judiciaire ou arbitral international l’obligation d’utiliser auparavant les recours qu’offre le système juridique de leur pays. Les Etats n’ont donc pas à répondre de leurs actes devant un organisme international avant d’avoir eu la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne. Ainsi, le grief dont on entend saisir la Cour doit d’abord être soulevé, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, devant les autorités nationales appropriées (Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999-V). Pour que l’on puisse considérer qu’il a respecté cette règle, un requérant doit se prévaloir des recours normalement disponibles et suffisants pour lui permettre d’obtenir réparation des violations qu’il allègue (arrêt Aksoy c. Turquie du 18 décembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-VI, pp. 2275-2276, §§ 51-52).
Concernant la présente espèce, la Cour relève que le requérant n’a pas déposé auprès des autorités compétentes du parquet ou de l’instruction une plainte visant l’engagement de poursuites pénales contre les policiers auteurs des mauvais traitements qu’il allègue. Or, la Cour considère qu’une telle plainte constitue en principe une voie de recours à épuiser dans pareil cas (voir Kostov c. Bulgarie (déc.), no 45980/99, 1er juillet 2004) ; l’intéressé n’a au demeurant pas soutenu que cette voie ait été, en principe ou dans on cas particulier, dépourvue d’efficacité.
Au vu de ces circonstances, la Cour estime que le requérant n’a pas valablement épuisé le recours dont il disposait en droit interne. Elle note qu’en tout état de cause le grief a été introduit plus de six mois après la date des faits litigieux, en février 1997, et pourrait être également déclaré irrecevable à ce titre.
Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.
3. Toujours au regard de l’article 3, le requérant se plaint des mauvaises conditions de détention à la prison de Pleven, qu’il considère constitutives d’un traitement inhumain et dégradant.
En l’état actuel du dossier, la Cour ne s’estime pas en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de communiquer cette partie de la requête au gouvernement défendeur conformément à l’article 54 § 2 b) de son règlement.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Ajourne l’examen du grief du requérant tiré de l’article 3 de la Convention relativement aux conditions de sa détention à la prison de Pleven ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.
Claudia Westerdiek Peer Lorenzen
Greffière Président