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DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 31441/02
présentée par YEDİKULE SURP PIRGİÇ ERMENİ HASTANESİ VAKFI
contre la Turquie
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 4 décembre 2007 en une chambre composée de :
Mme F. Tulkens, présidente,
MM. A.B. Baka,
I. Cabral Barreto,
R. Türmen,
M. Ugrekhelidze,
Mmes A. Mularoni,
D. Jočienė, juges,
et de Mme F. Elens-Passos, greffière adjointe de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 22 mars 2002,
Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l’article 29 § 3 de la Convention et d’examiner conjointement la recevabilité et le fond de l’affaire,
Vu les déclarations formelles d’acceptation d’un règlement amiable de l’affaire,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
EN FAIT
La requérante, Yedikule Surp Pırgiç Ermeni Hastanesi Vakfı (Fondation de l’hôpital arménien Surp Pırgiç de Yedikule), est une fondation de droit turc, créée en 1832 sous l’Empire ottoman par décret impérial. Son statut est en conformité avec les dispositions du Traité de Lausanne concernant la protection des anciennes fondations assurant les services publics pour les minorités religieuses. Elle est représentée devant la Cour par Mes D. Bakar et S. Davuthan, avocats à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») n’a pas désigné d’agent aux fins de la procédure devant la Cour.
A. Les circonstances de l’espèce
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 15 novembre 1954, la requérante acquit par donation la propriété d’un bien immobilier sis à Beyoğlu (Istanbul). Ce titre de propriété fut inscrit sur le registre foncier.
Le 16 novembre 1999, le Trésor public saisit le tribunal de grande instance de Beyoğlu d’une demande en annulation du titre de propriété de la requérante et sa réinscription sur le registre foncier au nom de la propriétaire initiale. Il fit valoir que le bien immobilier en question n’était pas mentionné dans la déclaration de la fondation, déposée en 1936 et considérée comme l’acte de fondation de ces établissements conformément à la loi no 2762. Il soutint que le statut de la requérante ne lui conférait pas le droit d’acquérir des biens immobiliers.
Devant le tribunal, la requérante fit valoir qu’elle avait acquis ce bien conformément aux dispositions de la déclaration de 1936.
Par un jugement du 19 décembre 2000, le tribunal de grande instance releva que le bien en cause n’était pas inscrit dans la déclaration de 1936 et qu’il n’était pas destiné à servir le but de la fondation. Le tribunal annula le titre de propriété de la requérante et ordonna sa réinscription sur le registre foncier au nom de l’ancienne propriétaire.
Par un arrêt du 19 avril 2001, la Cour de cassation confirma le jugement de première instance.
Le 25 septembre 2001, elle rejeta la demande en rectification de l’arrêt.
B. Le droit et la pratique interne pertinents
Le droit et la pratique internes pertinents en vigueur à l’époque des faits sont décrits dans l’arrêt Fener Rum Erkek Lisesi Vakfı c. Turquie (no 34478/97, §§ 23-30, CEDH 2007‑... (extraits)).
C. La jurisprudence pertinente de la Cour
Dans son arrêt du 9 janvier 2007 relative à l’affaire Fener Rum Erkek Lisesi Vakfı c. Turquie (ibidem), laquelle posait des questions similaires à celles soulevées en l’espèce, la Cour a conclu à la violation de l’article 1 du Protocole no 1 et a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner séparément le grief tiré de l’article 14 de la Convention, combiné avec l’article 1 du Protocole no 1.
GRIEFS
La requérante soutenait qu’en statuant sur l’annulation de son titre de propriété inscrit au registre foncier, les juridictions internes avaient violé son droit au respect de son bien. Elle prétendait que la législation et son interprétation par les juridictions nationales se résumaient en l’incapacité d’acquérir des biens immobiliers pour des fondations appartenant à des minorités religieuses non musulmanes au sens du Traité de Lausanne. Elle estimait que cette incapacité constituait une discrimination par rapport aux autres fondations. Elle invoquait à ces égards les articles 14 de la Convention et 1 du Protocole no 1.
Invoquant l’article 6 de la Convention, la requérante se plaignait que sa cause n’avait pas été entendue équitablement par les juridictions internes.
EN DROIT
La Cour a reçu du Gouvernement la déclaration suivante :
« 1. Le Gouvernement note que la Cour a constaté la violation de l’article 1 du Protocole no 1 dans l’affaire Fener Rum Erkek Lisesi Vakfı c. Turquie, no 34478/97, laquelle posait des questions similaires à celles soulevées en l’espèce. Par ailleurs, il souligne qu’après l’introduction de la présente requête et dans le but de mettre en conformité le droit turc avec les exigences de la Convention, les lois nos 4771 du 9 août 2002 et 4778 du 2 janvier 2003, ainsi que le règlement du 24 janvier 2003 relatif à l’acquisition de biens immeubles par les fondations des communautés ont été adoptés. En vertu desdites dispositions, la requérante, comme l’ensemble des fondations se trouvant dans un statut similaire, peuvent acquérir des biens immobiliers sous certaines restrictions d’ordre général.
2. En vue d’un règlement amiable de l’affaire ayant pour origine la requête no 31441/02, le Gouvernement s’engage à restituer à la partie requérante le bien litigieux dans son état actuel et à lui verser 4 000 EUR (quatre mille euros) pour frais et dépens, dans les trois mois à compter de la notification de la décision de la Cour rendu en vertu de l’article 37 § 1 de la Convention. Cette somme ne sera soumise à aucun impôt ou charge fiscale en vigueur à l’époque pertinente et sera versée en euros, à convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du règlement, sur un compte bancaire indiqué par la requérante ou par ses conseils dûment autorisés. A défaut de paiement dans ledit délai, le Gouvernement s’engage à verser, à compter de l’expiration de celui-ci et jusqu’au paiement effectif de la somme en question, un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pour cette période, augmenté de trois points de pourcentage.
Cette restitution et ce paiement vaudront règlement définitif de l’affaire. »
La Cour a reçu la déclaration suivante, signée par la partie requérante :
« 1. J’ai pris connaissance de la déclaration du gouvernement de la République de Turquie selon laquelle il s’engage à restituer le bien litigieux dans son état actuel et à verser 4 000 EUR (quatre mille euros) pour frais et dépens, dans les trois mois à compter de la notification de la décision de la Cour rendu en vertu de l’article 37 § 1 de la Convention, en guise de règlement amiable de la requête enregistrée sous le numéro no 31441/02. Exonérée de tous impôts éventuellement applicables, cette somme sera versée en euros, à convertir en nouvelles livres turques au taux applicable à la date du règlement, sur un compte bancaire indiqué par la requérante ou moi-même. A compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au règlement effectif de la somme en question, il sera payé un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, augmenté de trois points de pourcentage.
2. J’accepte cette proposition et renonce par ailleurs à toute autre prétention à l’encontre de la Turquie à propos des faits à l’origine de ladite requête. Je déclare l’affaire définitivement réglée.
3. La présente déclaration s’inscrit dans le cadre du règlement amiable auquel le Gouvernement et la requérante sont parvenus. »
La Cour prend acte du règlement amiable auquel sont parvenues les parties. Elle estime que celui-ci s’inspire du respect des droits de l’homme tels que les reconnaissent la Convention et ses protocoles et n’aperçoit par ailleurs aucun motif d’ordre public justifiant de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine de la Convention). En conséquence, il convient de mettre fin à l’application de l’article 29 § 3 de la Convention et de rayer l’affaire du rôle.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
Décide de rayer la requête du rôle.
F. Elens-Passos F. Tulkens
Greffière adjointe Présidente