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Rozhodnutí
DEUXIÈME SECTION
DÉCISION
Requête no 54508/12
Rahil DINK et autres
contre la Turquie
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant le 17 mai 2022 en un comité composé de :
Egidijus Kūris, président,
Pauliine Koskelo,
Gilberto Felici, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier de section,
Vu la requête susmentionnée introduite le 7 août 2012,
Vu la déclaration déposée par le gouvernement défendeur le 4 janvier 2022 et invitant la Cour à rayer la requête du rôle, ainsi que la réponse de la partie requérante à cette déclaration,
Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :
FAITS ET PROCÉDURE
La liste des requérants figure en annexe. Ils ont été représentés devant la Cour par Me H. Bakırcıoğlu, avocat exerçant à Istanbul.
Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. Hacı Ali Açıkgül, directeur du service des droits de l’homme auprès du ministre de la Justice de Turquie.
Les requérants se plaignent principalement d’une violation de l’article 2 de la Convention (sous son volet procédural), en ce que les poursuites pénales déclenchées à l’encontre de certains agents du Service national de renseignement (MIT) pour négligence dans la protection de la vie de Hrant Dink (bien qu’ayant été avertis en février 2004 de menaces sur la vie du journaliste turc Hrant Dink par des groupes ultranationalistes, ils n’auraient pas demandé aux forces de l’ordre de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa vie) se sont éteintes pour prescription en raison des retards dus aux comportements des autorités impliquées. Se fondant sur l’insuffisance de l’enquête pénale engagée contre les agents du MIT, ils invoquent aussi l’article 13 de la Convention combiné avec son article 2 ainsi que plusieurs garanties procédurales prévues par l’article 6 de la Convention.
La requête avait été communiquée au Gouvernement.
EN DROIT
La Cour estime qu’il convient d’examiner l’ensemble des griefs des requérants sous l’angle de l’article 2 de la Convention, sous son volet procédural.
Après l’échec des tentatives de règlement amiable, par une lettre du 4 janvier 2022, le Gouvernement a informé la Cour qu’il envisageait de formuler une déclaration unilatérale afin de résoudre la question soulevée par la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer celle-ci du rôle en application de l’article 37 de la Convention.
Dans sa déclaration, le Gouvernement reconnaît que l’enquête pénale sur les griefs formulés par les requérants n’a pas satisfait aux exigences de l’article 2 de la Convention, sous son volet procédural, puisqu’elle a abouti à une fin de non-recevoir relevée pour prescription. Le Gouvernement s’engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’obligation de mener une enquête effective soit respectée à l’avenir. Par ailleurs, il offre de verser aux requérants la somme de 6 000 EUR (six mille euros) et il invite la Cour à rayer la requête du rôle conformément à l’article 37 § 1 c) de la Convention. Cette somme sera convertie dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du paiement et sera payable dans un délai de trois mois à compter de la date de la notification de la décision de la Cour. Si elle n’était pas versée dans ce délai, le Gouvernement s’engage à la majorer, à compter de l’expiration du délai et jusqu’au règlement, d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage. Le paiement vaudra règlement définitif de l’affaire tant devant la Cour que devant les instances nationales.
Par une lettre du 2 février 2022, la partie requérante a indiqué qu’elle n’était pas satisfaite des termes de la déclaration unilatérale.
La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 37 de la Convention, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances l’amènent à l’une des conclusions énoncées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. L’article 37 § 1 c) lui permet en particulier de rayer une affaire du rôle si :
« pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête ».
La Cour rappelle aussi que, dans certaines circonstances, il peut être indiqué de rayer une requête du rôle en vertu de l’article 37 § 1 c) sur la base d’une déclaration unilatérale du gouvernement défendeur même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.
À cette fin, la Cour a examiné la déclaration à la lumière des principes que consacre sa jurisprudence, en particulier l’arrêt Tahsin Acar (Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003‑VI, WAZA Sp. z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03, 18 septembre 2007).
La jurisprudence de la Cour en matière de la protection procédurale du droit à la vie (article 2 de la Convention) est claire et abondante (voir, pour les principes généraux, Mustafa Tunç et Fecire Tunç c. Turquie [GC], no 24014/05, § 98-105, 14 avril 2015, et pour l’obligation de célérité et de diligence de l’enquête, Armani Da Silva c. Royaume-Uni [GC], no 5878/08, § 237, 30 mars 2016, et Giuliani et Gaggio c. Italie [GC], no 23458/02, § 305, CEDH 2011 (extraits)).
Eu égard à la nature des concessions que renferme la déclaration du Gouvernement, ainsi qu’au montant de l’indemnisation proposée – qui est conforme aux montants alloués dans des affaires similaires –, la Cour estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c)).
En outre, à la lumière des considérations qui précèdent, et eu égard en particulier à sa jurisprudence claire et abondante à ce sujet, la Cour estime que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles n’exige pas qu’elle poursuive l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
La Cour considère que le paiement aux requérants de l’indemnité totale de 6 000 EUR (six milles euros) constituera le règlement définitif de l’affaire tant devant la Cour que devant les instances nationales (voir, dans le même sens, Bayram Taşdemir et autres c. Turquie (déc.), no 52538/09, 12 mars 2019).
Enfin, la Cour souligne que, dans le cas où le Gouvernement ne respecterait pas les termes de sa déclaration unilatérale, la requête pourrait être réinscrite au rôle en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention (Josipović c. Serbie (déc.), nº 18369/07, 4 mars 2008).
En conséquence, il convient de rayer l’affaire du rôle.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
- Prend acte des termes de la déclaration du gouvernement défendeur concernant l’article 2 de la Convention, sous son volet procédural, et des modalités prévues pour assurer le respect des engagements ainsi pris ;
- Décide de rayer la requête du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention.
Fait en français puis communiqué par écrit le 9 juin 2022.
Hasan Bakırcı Egidijus Kūris
Greffier Président
ANNEXE
Liste des requérants
N° | Prénom NOM | Date de naissance | Nationalité | Lieu de résidence |
1 | Rahil DİNK | 01/01/1959 | Turque | Istanbul |
2 | Arat DİNK | 06/09/1979 | Turque | Istanbul |
3 | Delal DİNK | 08/03/1978 | Turque | Istanbul |
4 | Hasrof DİNK | 20/04/1957 | Turque | Istanbul |
5 | Sera DİNK NAZARİAN | 05/08/1986 | Turque | Istanbul |